La sensibilité de beaucoup de Français est profondément heurtée par cet affichage religieux, pas seulement chez ceux qui peuvent faire profession d'islamophobie. Une nouvelle fois, le «voile islamique» s'est invité dans le débat public français, à la faveur de l'initiative prise par un député communiste de l'agglomération lyonnaise, André Gerin, de demander la création d'une commission d'enquête parlementaire sur le port de la burqa. Fait révélateur: plus de cinquante députés, dont plusieurs parlementaires de droite, ont co-signé cette demande, ce qui montre que les débats suscités par la visibilité de la présence musulmane en France divisent ou rapprochent les gens hors des clivages politiques habituels. Avec la burqa, cet habit venu de l'Arabie wahhabite qui couvre la tête et le corps des femmes avec une grille au niveau des yeux, on est, en effet, dans la pleine visibilité! Force est de constater, d'ailleurs, que dans les villes et quartiers de France, un Islam «ostentatoire» se donne à voir de manière chaque jour plus ample, avec principalement le développement du port du voile chez un nombre toujours plus grand de femmes, jeunes ou moins jeunes, sous des formes différentes : burqa, niqab, khimar, hijab... La sensibilité de beaucoup de Français est profondément heurtée par cet affichage religieux, pas seulement chez ceux qui peuvent faire profession d'islamophobie. Dans une France républicaine laïque qui a fini par trouver difficilement un équilibre pacifique entre «ceux qui croient au Ciel et ceux qui n'y croient pas», l'affirmation religieuse dans l'espace public, qu'elle soit chrétienne ( le retour des soutanes ou des cols romains chez quelques jeunes prêtres catholiques ), juive ( les redingotes et grands chapeaux des Juifs loubavitchs ), ou musulmane, est souvent vécue comme une agression contre la liberté de conscience, quand ce n'est pas contre la dignité et la liberté des femmes. Ce à quoi les partisans de «l'affichage religieux» répondent facilement : «Et nous, croyez-vous que nous ne sommes pas agressés par l'impudeur ambiante, par l'étalement permanent d'une sexualité provocatrice par toute une partie de la population comme par tout le «discours» publicitaire?». La question du port de la burqa dépasse de beaucoup le droit de chacun à vivre sa religion selon sa conscience. Dans ce débat, rien n'est simple, et il faudrait que chacun se garde bien de trop simplifier. Certes, il y a, «des deux côtés», des gens qui se refusent à entendre le point de vue «de l'autre» et qui n'ont d'autre souci que d'imposer leur point de vue par la force. Mais il y a aussi des gens honnêtes et vrais chez les zélateurs(trices) du voile comme chez ceux (celles) qui en ont peur. Ceux-ci (celles-ci) doivent donc apprendre à se parler et à s'écouter. Les sociétés, en effet, ne trouvent leur paix que dans le dialogue et dans les compromis librement consentis. Les musulmans(es) les plus zélés(es) doivent apprendre à comprendre les peurs que leur militantisme peut susciter, et il est aussi de leur responsabilité que cette peur qu'ils (elles) engendrent ne se transforme pas en rejet et en haine. L'opinion française non-musulmane, de son côté, doit réaliser que le port d'un voile, fut-il la burqa ou le niqab, ne signifie pas systématiquement une haine de l'Occident et un refus du «vivre ensemble».