Xavier Bertrand, actuel secrétaire général de l'UMP, s'est empressé de minimiser les effets désastreux d'une défaite parlementaire faute de combattants UMP. Ceux qui ont l'habitude de suivre de très près les états d'âme de Nicolas Sarkozy, doivent aisément imaginer la sourde et parfois éruptive colère qui a dû le saisir lorsque le projet de loi sur le téléchargement illégal, présenté par le gouvernement, a été rejeté par l'Assemblée nationale. Une brusque et fracassante défaite. Le président sortait d'une séquence internationale prestigieuse qui l'a porté aux nues pour être violemment confronté à la dure réalité domestique, celle où l'opposition de gauche devient plus mordante et celle où le parti de la majorité présidentielle s'évapore dans la nature pour bien montrer la mauvaise humeur qui tenaille ses députés. La déception présidentielle est profonde et répétitive au point de susciter chez lui d'irrésistibles envies de dissolution, tout de suite remise au placard des fantasmes inassouvis. Et la question principale qui alimente le débat est la suivante : comment se fait-il, qu'alors que le parti du président qui dispose d'une majorité écrasante au Parlement, le gouvernement rencontre autant de difficultés à faire adopter ses projets ? Après avoir bloqué, à titre d'exemple non exclusif sur le travail du dimanche , les députés UMP ont trébuché sur la loi HADOPI (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet), destinée à protéger l'industrie de la création artistique en criminalisant le téléchargement illégal. Manque d'enthousiasme, absentéisme, opportunisme de l'opposition, quelle que soit l'explication avancée pour justifier ce bide, il est un fait avéré impossible à ignorer, Nicolas Sarkozy et son Premier ministre, François Fillon, ne contrôlent plus les députés UMP. Dans de pareilles circonstances, l'homme qui est dans la ligne de mire est Jean-François Copé, le patron du groupe UMP à l'Assemblée nationale, à qui il est souvent reproché de jouer le double jeu, de manquer à la solidarité gouvernementale, ou de ne pas avoir suffisamment d'autorité et de charisme pour imposer une discipline de vote et de présence à ses parlementaires. Avec un air benêt d'un enfant pris les doigts dans le pot de confiture qu'il prend parfois pour justifier ses nombreux couacs, Jean-François Copé avait tenté d'expliquer ce bide : «J'ai surtout un sentiment profond de regret de tout ce qui s'est passé (...) de s'être fait avoir bêtement (…) On est dans une fin de discussion, tout était parfaitement calé et puis voilà un bon vieux coup comme ça arrive parfois dans la vie parlementaire, dans les dernières minutes, les députés de l'opposition sont arrivés plus nombreux pour nous battre». Contrairement aux apparences, la relation entre Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé n'est pas au beau fixe. Les deux hommes, issus du même sérail, se jalousent et se lancent de défis invisibles. La mésaventure parlementaire de la HADOPI ne va pas arranger les choses. Et pourtant, pour Nicolas Sarkozy, le revers est d'autant plus éclatant qu'il n'a ménagé aucun effort pour reprendre en main l'UMP. N'a-t-il pas remplacé à sa tête «le rebelle» et diffuseur permanent de mauvaise humeur Patrick Devedjian par le dynamique et docile Xavier Bertrand ? Sans grands résultats pour le moment puisque l'ensemble de la galaxie UMP semble de plus en plus allergique à la discipline gouvernementale et à la solidarité aveugle avec l'exécutif. Xavier Bertrand, actuel secrétaire général de l'UMP, que de nombreux observateurs pressentaient encore comme le futur remplaçant de François Fillon à Matignon, s'est empressé de minimiser les effets désastreux de cette défaite parlementaire faute de combattants UMP : «C'est une manœuvre politicienne qui n'aura qu'un seul effet, retarder juste de quelques semaines l'adoption définitive de ce texte indispensable pour protéger la création». Toute excitée de cette victoire inattendue, la gauche avait tenté d'enfoncer le couteau dans la plaie pour énerver davantage un président que certains imaginent au bord de la crise de nerfs, malgré «la banane» revendiquée officiellement : «Ce revers personnel pour le président de la République démontre les limites de la méthode Sarkozy : absence de compréhension de la société, absence de concertation en amont, absence de dialogue durant le débat et passage en force au moment des votes».