Le débat sur la réintégration de la France du commandement militaire de l'Otan n'a pas encore livré toutes ses saveurs politiques. Un avant-goût est déjà donné par les prises de position de personnalités comme Alain Juppé, Hubert Védrine, François Bayrou, ou Dominique de Villepin. Voilà sans aucun doute un des débats géostratégiques qui risque de faire tâche grise dans le paysage politique français surtout en ces temps de crise moroses marqués par un excès d'angoisse et un déficit de confiance: la décision annoncée de Nicolas Sarkozy de réintégrer le commandement militaire de l'Organisation de l'alliance atlantique désertée par la général De Gaulle il y a 43 ans. La question devrait être solennellement protée aux nues lors du sommet de l'Otan en France et en Allemagne début avril. Elle vient d'être largement argumentée par Nicolas Sarkozy lors d'un discours prononcé lors d'un colloque organisé à l'Ecole militaire par la fondation de la recherche stratégique. Ce choix stratégique fera l'objet d'un débat parlementaire le 17 mars à l'issue duquel le Premier ministre François Fillon a accepté d'engager la responsabilité de son gouvernement. En adoptant cette attitude, le Premier ministre ne joue pas à la roulette russe. Il sait qu'arithmétiquement, le Palais Bourbon lui est acquis. Mais en acceptant de jouer la symphonie de la confiance remise en jeu devant la représentation nationale, François Fillon accède d'abord à une demande de l'opposition mais surtout saisit l'occasion de cette demande pour donner à ce choix présidentiel l'épaisseur et la légitimité politique qui peuvent lui faire défaut s'il était resté au stade de la décision solitaire du président de la République. Plus que quiconque, Nicolas Sarkozy sait qu'un tel virage dans la politique étrangère française nécessite plus que tout autre geste une pédagogie efficace. Dans ces interventions, Nicolas Sarkozy oscille entre l'ironie du bistrot et le sérieux des églises. Quand il lance, à la manière d'un chansonnier, à son audience: «Nous n'avons aucun poste militaire de responsabilité, formidable! On engage la vie de nos soldats et on ne participe pas à la stratégie». C'est tout aussi percutant de dire, avec la gravité du moment dans son historique discours de l'école militaire : «nous n'avons aucun poste militaire de responsabilité. Nous n'avons pas notre mot à dire quand les Alliés définissent les objectifs et les moyens militaires pour les opérations auxquelles nous participons». L'allusion est souvent faite aux opérations auxquelles la France a participé sous le drapeau de l'Otan notamment en Bosnie, au Kosovo et aujourd'hui en Afghanistan. L'autre argumentaire qui est censé désarmer les dernières réticences, Nicolas Sarkozy l'a trouvé dans la multiplicité des nouvelles menaces qu'affronte le continent européen et qui nécessite une réponse collective, voire mondialisée. Tout en reconnaissant que: «la France n'est plus menacée d'une invasion militaire et c'est pour le première fois de son histoire, de nouveaux dangers comme le terrorisme, la prolifération ou les attaques contre les systèmes spatiaux et informatiques exigent un traitement singulier dans des forums déterminés et solides». Conscient de ce que représente l'importance des notions de souveraineté et d'indépendance dans le réquisitoire de ses adversaires, Nicolas Sarkozy a tenu à préciser que la décision sur l'arme nucléaire resterait du seul ressort de la France et que les Forces armées françaises ne seront pas : «intégrées dans aucune armée supranationale dont la responsabilité nous échapperait». Le débat sur la réintégration de la France du commandement militaire de l'Otan n'a pas encore livré toutes ses saveurs politiques. Un avant-goût est déjà donné par les prises de position de personnalités comme Alain Juppé, l'actuel maire de Bordeaux, Hubert Védrine , l'ancien ministre des Affaires étrangères de Lionel Jospin, François Bayrou, le leader centriste, ou Dominique de Villepin qui considère ce choix comme «une faute» avec cette lourde prédilection: «C'est véritablement la France qui passe sous les fourches caudines d'un autre pays». Et si on rajoute à ces personnalités le bruit médiatique que les grincements de dents au sein de la majorité présidentielle notamment la sensibilité qui se réclame du gaullisme dans les rangs de l'UMP, risquent de provoquer l'activisme opportun de la gauche sur le sujet, l'ascension de Nicolas Sarkozy vers l'Otan promet d'être un long et tortueux chemin de croix.