Sarkozy a fini par fixer un agenda au retour de la France à l'Otan et par la même occasion coaguler les crispations: «L'alliance avec les Etats-Unis et l'alliance avec l'Europe ne mettent pas en cause l'indépendance de mon pays». En pleine crise sociale, alors que la Guadeloupe était presque à feu et à sang, que la contestation menaçait de s'étendre à l'ensemble des Antilles, que la France hexagonale est paralysée d'angoisse sur l'avenir de son économie, un sourd débat est en train de secouer les entrailles de la classe politique française avec une montée progressive d'adrénaline, celui du retour de la France au commandement militaire intégré de l'Otan quitté en 1966, sous l'impulsion du général De Gaulle. C'est sans aucun doute Nicolas Sarkozy qui, lors de la 45ème conférence de la sécurité à Munich, a fini par fixer un agenda à ce retour et par la même occasion coaguler les crispations : «L'alliance avec les Etats-Unis et l'alliance avec l'Europe ne mettent pas en cause l'indépendance de mon pays… La France veut rénover ses relations avec l'Otan en étant un allié indépendant, un partenaire libre des Etats-Unis …Voilà ce que j'expliquerai aux Français le moment venu, et ce moment approche». Ce grand moment attendu, c'est le 60ème anniversaire de l'Alliance atlantique qui organise un sommet en France et en Allemagne les 3 et 4 avril prochain. Toux ceux, de gauche comme de droite , à qui la réintégration des l'Otan donne des urticaires idéologiques se sont réveillés pour exprimer leur opposition. Marylise le Branchu, députée PS et membre de la commission des Affaires étrangères en appelle au peuple pour trancher une question aussi délicate: «C'est (au peuple) de trancher une question de perte ou non d'indépendance nationale. C'est à lui et non à un homme seul, tout aussi président qu'il soit». Alors que Nicolas Dupont-Aignan, président du parti Debout la République (DLR) en appelle à un référendum d'initiative populaire pour bloquer ce retour : «Si le Palais de l'Elysée devait rester sourd et aveugle aux légitimes revendications des représentants de la nation, la voie de l'appel au peuple par le biais du référendum d'initiative populaire constituerait alors un recours naturel et nécessaire». Le député souverainiste UMP Jacques Myard y va de son argumentaire anti-réintégration : «La machine Otan est une machine d'influence américaine. C'est illusoire de penser qu'en y étant, on va changer quelque chose. On tire en fait un trait sur le fait d'avoir une défense européenne». Ces prises de postion ont été suivies par une bruyante offensive de Ségolène Royal qui dans une tribune publiée dans le journal «Le Monde» du 17 février dans laquelle elle s'interroge à haute voix sur l'utilité d'un tel retour : «Faut-il, alors que d'autres pays s'affirment sur la scène internationale pour donner le sentiment de nous crisper sur la famille occidentale? (…) Faut-il s'enfermer dans une logique défensive d'hier alors que le monde est en train de basculer». Le journal «Le Figaro» a malicieusement fait remarquer que Ségolène Royal utilise les mêmes mots et expressions que Dominique de Villepin avait utilisés lors de son interview avec i-Télé le 9 février. Sans aucun doute le fruit de consultations continues entre les deux personnalités depuis leur célèbre petit déjeuner fin janvier. Devant autant de critiques exprimées par l'opposition pour dénoncer ce retour et autant de mobilisation qui s'annoncent animées par les antimilitaristes, Nicolas Sarkozy se prépare à un grand travail de pédagogie qui passe d'abord par convaincre les réticences de ses propres troupes. Ce travail de persuasion est mené discrètement par le conseiller diplomatique Jean-David Levitte et publiquement par le Premier ministre François Fillon qui lors de sa rencontre mardi avec les député UMP, a déclaré qu'il engagerait la responsabilité du gouvernement à l'issue du débat parlementaire. Jean-François Copé, patron du groupe UMP a confirmé ce choix : «Il y aura certainement un débat. Je ne sais pas s'il y aura vote ou pas vote (...) Le Premier ministre a dit qu'il trouverait cohérent, si on devait aller dans une logique de vote, d'engager la responsabilité du gouvernement face à l'Assemblée».