Magistral. C'est ce qu'on peut dire à propos de la prestation du Président français Jacques Chirac, lundi soir, sur la crise irakienne. Le chef de l'Elysée, en vrai gaulliste, a menacé d'abord d'opposer le droit de veto à toute résolution américaine autorisant l'usage de la force contre l'Irak. Plus explicite a été la dernière déclaration du ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin : tant qu'il y a possibilité de désarmer l'Irak pacifiquement, par le travail des inspecteurs, aucune action militaire n'est justifiée… C'est cette France de Gaule qui est aujourd'hui en train de reprendre le dessus. La preuve, la prestation du président a eu un concert d'approbations de l'ensemble de la classe politique française. Signe des temps, plus que jamais, les communistes français ont trouvé leur idole en la personne M .Chirac. « Je suis fier de la France, de son attitude dans ce débat douloureux et difficile », a dit Alain Bocquet, président du groupe communiste à l'Assemblée nationale. « Le président de la République, qui a annoncé qu'on dirait non jusqu'au bout y compris avec notre droit de veto, est conforme à ce que souhaite la majorité des Françaises et des Français et la représentation nationale. Je souhaite personnellement que le chef de l'Etat se rende à l'ONU pour dire au Conseil de sécurité 'non, il ne faut pas faire la guerre' ». L'ancien ministre socialiste Jack Lang a mis l'accent sur la primauté du droit international et de l'ONU. « Ce serait une guerre totalement illégale, contraire au droit international contemporain et qu'un pays comme celui-là (les Etats-Unis) déchire la Charte des Nations Unies tel un chiffon de papier mettrait à bas le droit international. Il faut se bagarrer contre cette vision cynique, fanatique et primaire de la vie internationale », a-t-il dit. « Il faut tenir bon avec la dernière énergie; c'est le langage du président de la République hier soir, que personnellement j'approuve », a-t-il relevé, signalant que le recours au veto est justifié, car « là, un intérêt national majeur est en jeu : c'est la vision que la France a de l'avenir du monde ». C'est justement cette vision que la France a de l'avenir du monde qui fait l'unanimité des Français et inspire la confiance des autres pays. L'attitude de la gauche française à l'égard de la position du président n'a rien d'étonnant. Pas plus que celle des libéraux français qui ont rapidement emboîter le pas du chef d'Etat. Ainsi en a-t-il été de François Bayrou, président de l'UDF qui, sans se départir de sa maîtrise des jeux de mots et du sens de la rhétorique, a souligné que le « non de la France était dans la logique des positions prises et ce 'non' de la France est juste ». Avant d'asséner qu'en cas d'intervention militaire en Irak, sans accord majoritaire à l'ONU ou malgré un veto, « alors la première victime de la guerre, ce sera l'ONU. Dans ce cas, il n'y a plus d'organisation des Nations Unies, il n'y a plus de Conseil de sécurité puisque la puissance la plus importante de la planète aura traité le Conseil de sécurité avec cette désinvolture ». Si Jacques Chirac a été magistral, Hubert Védrine, l'ancien ministre socialiste des Affaires étrangères, a lui aussi manifesté une grande rigueur et une maîtrise sur le dossier irakien lundi. Devant ses arguments, la ministre espagnole des Affaires étrangères Ana Palacio n'a d'ailleurs rien trouvé d'autre que de refuser la logique de la guerre sauf force majeure. Lors de l'émission télévisée, en direct du France 2 et qui a suivi la déclaration de M. Chirac, M. Védrine a tout simplement balayé d'un revers de la main tous les prétextes américains pour attaquer l'Irak. Et là, la particularité française de considérer les affaires étrangères comme un domaine réservé du chef de l'Etat trouve toute sa grandeur. Hubert Védrine a travaillé avec Chirac. Les fausses notes ne sont pas permises pour que l'Hexagone honore éternellement sa vocation égalitaire…