Un ancien détenu de Guantanamo affirme avoir été torturé au Maroc. Un récit plein de contradictions. Un Éthiopien dénommé Binyam Mohamed fait, cette semaine, la Une de la presse en Grande-Bretagne. Normal puisqu'il vient d'être libéré de la fameuse prison américaine de Guantanamo. Depuis sept ans, à chaque fois qu'un détenu est libéré de ce camp de détention, il fait la Une de la presse locale de son pays de résidence. On s'intéresse à lui, le temps de l'entendre raconter son calvaire à Guantanamo. Puis, on l'oublie jusqu'au jour où l'armée américaine décide d'en libérer un autre. A ce moment-là, on procède, pour meubler une page, à la rédaction d'encadrés sur les anciens détenus ayant été libérés auparavant. Mais, dans le cas de M.Binyam, la situation semble différente. Il a décidé de se différencier par rapport à ceux qui l'ont précédé. Pour ce faire, il affirme avoir été victime de torture d'agents de la CIA (les fameux services secrets américains) sur des territoires étrangers dont il cite le Maroc et l'Afghanistan en plus du Pakistan où il aurait été arrêté en 2002. Des faits que les Etats-Unis démentent catégoriquement. Mais, au-delà du démenti fait par les Américains depuis que la thèse de la délocalisation des tortures a été soulevée par la presse, il est légitime de s'interroger sur la crédibilité du récit de M. Binyam. D'abord, pourquoi des agents américains transporteraient un Ethiopien du Pakistan vers l'Afghanistan, le tortureraient là-bas et iraient par la suite refaire le travail sur le territoire marocain. Quelle est l'utilité de cette opération ? Car, on peut accuser les agents de la CIA de tout sauf d'être stupides. Pourquoi alors se donneraient-ils la peine de le transférer au Maroc après l'avoir torturé en Afghanistan, comme il prétend ? En plus, comment se fait-il qu'il sache qu'il a été au Maroc ? Car, s'il a été transféré dans un avion de la CIA, conformément à la thèse des tortures délocalisées, comment a-t-il su qu'il se trouvait bien au Maroc ? Sauf s'il avait été accueilli par une pancarte lui souhaitant la «Bienvenue au Maroc». Ce qui n'est pas le cas selon son récit qui affirme que tout s'est passé dans le secret total et qu'il avait toujours les yeux bandés durant toutes les étapes de son calvaire, depuis son arrestation au Pakistan à son arrivée à Guantanamo. C'est dire que la thèse des «tortures délocalisées» s'est tellement développée à travers l'imaginaire de ceux qui affirment en avoir été victimes qu'elle ne correspond plus à la version initiale de ceux qui l'ont inventée.