Marine Le Pen joue dans ces élections une grande partie de son avenir politique. Alors que son père avait tenté sans grand succès pour le moment de l'imposer comme héritière à la présidence du FN. Loin de grossir le trait ni dramatiser à outrance, l'échéance électorale des européennes de juin prochain sera pour le Front National, fleuron de l'extrême droite française, une grande occasion qui va configurer l'avenir du parti. D'où l'extrême importance accordée par celle que tout destine à porter le flambeau de succession de son illustre père, Marine Le Pen, au lancement de cette campagne, à la formulation d'un discours électoral de combat qui ramène le Parti de Jean-Marie Le Pen à ses fondamentaux sur «l'Etat nation». Marine Le Pen vient donc de donner le coup d'envoi à cette campagne en dévoilant les affiches censées exprimer le message du FN dans la bataille des européennes. Il s'agit d'affiches sous formes de portraits dans lesquelles des vrais militants du FN ont posé bénévolement avec des slogans stigmatisant l'Europe telle qu'elle se construit aujourd'hui, avec cette déclinaison des thèmes «mon emploi avant l'Europe», «ma retraite avant l'Europe», «ma famille avant l'Europe», «ma sécurité avant l'Europe». La campagne du FN reprend les reflexes et les tropismes anti-européens qu'elle partage avec l'extrême droite. Marine Le Pen argumente cette positon : «Sous prétexte de mondialisme, de libre-échangisme, d'ultralibéralisme, on a fait table rase de tout ce qui constituait les protections nationales légitimes et nécessaires à la prospérité et la sécurité des Français». Marine Le Pen joue dans ces élections une grande partie de son avenir politique. Alors que son père avait tenté sans grand succès pour le moment de l'imposer comme héritière à la présidence du FN, Marine Le Pen avait été accueillie par une série de démissions de certains cadres historiques du parti en signe de contestation de ce choix. La rébellion est telle qu'à certains égards, elle donne l'impression d'une vraie hémorragie de toutes les forces vives du front. Tous ceux qui contestent le leadership de Marine Le Pen lui reprochent la descente aux enfers électoraux qu'à connue le FN ces derniers années. Marine Le Pen est accusée d'avoir tenté de polir l'image du FN, de le rendre plus fréquentable en expurgeant son discours de tout ce qui fait sa séduction et son originalité. Et parce qu'elle est consciente de cette lourde accusation qui aurait, selon certains, fait «perdre son âme au FN», qu'elle tient absolument à renverser la tendance lors de ces européennes pour tenter au moins d'égaler le résultat du FN lors des dernières consultations européennes et qui lui avait permis d'atteindre la barre des 9,81%. L'obsession de Marine Le Pen est que la « mauvaise séquence » électorale que vient de traverser le FN ne soit qu'un mauvais souvenir. Pour tenter de remobiliser un électorat qu'une perte d'agressivité dans le discours et des soucis structurels de trésorerie avait fini par lasser, Marine et Jean-Marie Le Pen tirent à boulets rouges sur Nicolas Sarkozy. Tandis que Marine Le Pen compare le «paquet social» présenté par le président de la République comme antidote à la crise à un «saupoudrage de mesures, somme toutes modestes (qui) n'est à l'évidence pas à la hauteur du tsunami que représente la crise économique qui nous frappe», Jean-Marie Le Pen jette un pavé dans la mare en indiquant que s'il est confronté à un «cruel dilemme» entre Nicolas Sarkozy et Martine Aubry, la première des socialistes lors des élections de 2012, il appellerai à voter socialiste : «si je ne peux pas faire autrement, je ne sais pas si je n'essaierais pas Mme Aubry» avait-il annoncé en provoquant un des bruyants tintamarres dont il a le succès. Jean-Marie Le Pen avait par ailleurs annoncé l'organisation d'une «grande convention européenne» les 14 et 15 mars prochain qui doit, selon le vieux chef du FN, «matérialiser le retour du Front national sur le devant de l'actualité politique et médiatique française». Cette convention aura pour thème «Le retour des nations» et des forums intitulés «Valeurs et décadence morale» «Crise financière et «Euro-mondialisme» ou «Immigration et sécurité». C'est que les enjeux sont de taille. Il ne serait donc pas exagéré de dire que les Le Pen, père et fille, jouent dans ces élections européennes, leur survie politique, une renaissance pour l'un, une mise sur orbite pour l'autre.