Les mots de condamnation et d'indignation qu'avait utilisés François Fillon, étaient si forts que l'intention de dramatiser était manifeste. Ceux qui ont sifflé «la Marseillaise» lors du match France-Tunisie peuvent se targuer aujourd'hui d'avoir provoqué un drame national, une vraie crise au sommet de l'Etat, et un feu d'artifice de solutions tout aussi irréalisables les unes que les autres, frisant parfois l'insensé et l'émotionnel. L'affaire fut lancée par le Premier ministre François Fillon, lui-même au lendemain de la fameuse journée du délit. Les mots de condamnation et d'indignation qu'il avait utilisés étaient si forts que l'intention de dramatiser était manifeste. Sa volonté de marquer cette cicatrice de fer rouge ne laissait place à aucun doute que l'indignation était réfléchie. L'intervention matinale du Premier ministre était suivie dans la journée par une convocation à l'Elysée des ministres chargés du Sport Roselyne Bachelot et Bernard Laporte et du président de la Fédération française de football Jean-Pierre Escalettes. Et depuis, ordre a été donné aux responsable politiques d'occuper le terrain pour bien souligner l'indignation nationale. Les idées fusent sur la meilleure manière de répondre à ces attaques répétées contre l'hymne national français. Et l'on rappelle que siffler la Marseillaise est une caractéristique commune des équipes des trois pays du Maghreb. Les matches France-Algérie en octobre 2001 et France-Maroc en novembre 2007 sont encore dans les mémoires. Parmi les solutions proposées pour sanctionner les siffleurs de la Marseillaise, deux furent particulièrement polémiques. La première, portée par le président Nicolas Sarkozy, son Premier ministre François Fillon et la ministre Roselyne Bachelot consiste à arrêter le match immédiatement en cas de sifflements et évacuer le stade. Les réactions ont été multiples pour souligner la difficulté sécuritaire d'évacuer quarante ou soixante mille personnes chauffées à blanc quelques minutes seulement avant le début du match. Sans évoquer que cette décision et cette détermination peuvent s'avérer comme un vrai signe d'encouragement aux extrémistes qui peuvent jouer la provocation et pousser à la confrontation avec les forces de l'ordre. L'autre idée polémique est celle proposée par le secrétaire d'Etat aux Sports Bernard Laporte. La voici exprimée toute crue : «Arrêtons d'être hypocrites, ne faisons plus ce genre de matches, tout simplement, on va pas donner sans arrêt le bâton pour se faire battre. Ça, on n'a plus envie de le revivre, plus de matches contre l'Algérie, contre le Maroc, contre la Tunisie au Stade de France (…) N'organisons plus ce genre de matches, comme ça ce public sera privé de son équipe». Cette proposition venant d'un membre du gouvernement fut à l'origine de nombreuses réactions incrédules. Une des plus violentes fut exprimée par la socialiste Elisabeth Guigou qui accuse Bernard Laporte d'être «d'une confusion mentale totale (…) c'est une idée absurde, ridicule». Les sifflements de la Marseillaise ont remis au goût du jour le malaise des banlieues et la difficile intégrations des communautés immigrées. Le président du Front National Jean-Marie Le Pen n'allait pas rater une occasion pareille pour tirer sa propre conclusion : «Une fois de plus, on entend des petits cris d'indignation (…) En revanche, on fait silence sur la conclusion qui s'imposent : ces Français qui sifflent l'hymne national prouvent qu'ils ne sont que des Français de papier, et que l'intégration de masses étrangères à notre culture est un échec parce que c'est une utopie». Comme pour ne pas laisser à l'extrême droite le soin de couver plus jalousement les symboles nationaux, Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la Politique de la ville en rajoute dans la surenchère : «On a tendance à banaliser ce genre de comportement. La justice doit être exemplaire, il faut vraiment passer à la sanction (il faut arrêter) de parler de malaise social ou de problème d'intégration (..) Il ne faut leur trouver aucune excuse. Pas de pitié avec ces gens-là». Nicolas Sarkozy et son gouvernement n'ont pas échappé à l'accusation formulée par quelques éditorialistes d'avoir surjoué l'indignation nationale devant une France menacée par la récession et qui commence à douter d'elle-même. Ce psychodrame national ferait sans doute partie de la préparation des esprits et des cœurs aux mauvais temps qui s'annoncent.