Pendant ces journées noires où le Cac 40 et le nombre de chômeurs effectuent respectivement des plongées et des hausses vertigineuses, Nicolas Sarkozy s'est involontairement installé sur un stand de tir. Avec le recul, l'appel lancé maladroitement par le Premier ministre, François Fillon, à l'unité nationale pour affronter la grande crise qui s'abat sur l'économie française et européenne revêt une allure particulière. Tant les leaders de la gauche semblent exprimer une jouissance manifeste à s'emparer de cette crise pour tirer à boulets rouges sur Nicolas Sarkozy. Il faut dire que le président de la République, qui depuis le début de son mandat ne rate aucune occasion pour se moquer de l'impuissance de la gauche, encourager l'exil forcé de ses ressources humaines, pointer les bisbilles scénarisés de ses chefs, ne s'attendait pas vraiment à ce que la rue Solferino et la place du colonel Fabien organisent une manifestation de soutien et d'allégeance. Pendant ces journées noires où le Cac 40 et le nombre de chômeurs effectuent respectivement des plongées et des hausses vertigineuses, Nicolas Sarkozy s'est involontairement installé sur un stand de tir. La gauche, qui dès le départ, lui reproche son libéralisme thatchérien et sa tentation de vouloir déréguler le marché, arme ses canons pour mieux l'abattre. L'occasion est trop belle pour ne pas être tenté d'enfoncer le dernier clou dans le cercueil. Et chacun y va de sa petite critique. Le tableau devient sombre et la gouvernance de Nicolas Sarkozy intenable. Le maire de Paris Bertrand Delanoë, que certains pouvaient soupçonner de nourrir une admiration secrète pour le locataire de l'Elysée, lui porte les accusations les plus dures et stigmatise son gestion de la crise : «Je pense que le président de la république, sur ce point là comme sur d'autres, a été imprévoyant, brouillon et qu'il n'a pas pris malheureusement la hauteur (nécessaire)». Julien Dray, fraîchement de retour dans l'écurie de Ségolène Royal, après avoir menacé de voler de ses propres ailes, profite de cette crise pour gratter sur une cicatrice toujours béante et souligner davantage l'erreur d'avoir adopter en début de mandat le paquet fiscal, perçu à l'époque comme un cadeau aux classes aisées : «Preuve est désormais faite que le paquet fiscal n'a bénéficié qu'à une infime minorité de Français (...) En ces temps de crise économique et financière, il est plus que jamais temps de revenir sur cette mesure injuste et inefficace - comme dit le proverbe, l'erreur est humaine, mais persévérer est diabolique». Tandis que le président du groupe PS à l'Assemblée Jean-Marc Ayrault affirme que la «droite porte l'écrasante responsabilité» de cette crise qu'il décrit comme «une véritable bombe à fragmentation», Elisabeth Guigou, ancienne ministre des Affaires européennes de François Mitterrand se veut lucide : «on cherche à cacher derrière la crise financière européenne la crise française qui a débuté bien avant en raison d'une très mauvaise gestion que sont les choix de Nicolas Sarkozy». Pour sa part, Laurent Fabius préfère revenir sur le bilan du mini-sommet européen organisé par Nicolas Sarkozy à l'Elysée. Pour lui, «ce sommet partiel apporte des réponses partielles, il n'apporte aucune réponse à la crise financière (en France) qui est due essentiellement à la mauvaise gestion de M. Sarkozy». François Hollande enfonce le clou. Après avoir rappelé que «c'est la France qui a lancé l'idée d'un plan de 300 milliards d'euros (pour) ensuite l'abandonner en rase campagne devant le tollé qu'il avait pu susciter», le premier secrétaire du PS remarque non sans perversité que «aujourd'hui, c'est le président de la République qui téléphone à ses homologues comme si la réunion de samedi n'avait servi à rien». Même s'ils voudraient calmer le jeu et baisser le ton de leurs critiques à l'encontre de Nicolas Sarkozy, les socialistes ne peuvent pas le faire tant ils se trouvent verrouillés sur une surenchère d'attaque qu'impose la féroce lutte pour prendre le contrôle du PS prévue le mois prochaine lors du congrès de Reims. La crise leur offre un redoutable angle d'attaque. Le tir sur Nicolas Sarkozy, la diabolisation de sa gestion, sur fond de récession, paraissent être un sport euphorisant pour qui voudrait arracher le leadership laissé vacant par François Hollande.