Le recul de Nicolas Sarkozy sur le fichier Edvige n'est pas le fruit de la seule mobilisation de l'opposition, ni de la vaillante attitude des associations. De dangereuses fissures ont commencé à voir le jour au sein du gouvernement. Battre en retraite, corriger le tir, reculer, revoir ses fiches… Les expressions étaient assez variées dans la presse et dans la bouche des politiques et des associatifs pour signifier un seul message : Nicolas Sarkozy vient de changer de fusil d'épaule en demandant de revoir certaines dispositifs du super fichier policier Edvige. Cette décision a été prise après une réunion au sommet entre le président de la république, son Premier ministre François Fillon et la ministre de l'Intérieur Michelle Alliot-Marie. Le recul a été exprimé sous forme d'aveu. Nicolas Sarkozy avait demandé à sa ministre de l'Intérieur «d'ouvrir rapidement une concertation» sur le fichier policier Edvige qui devra être «suivie de décisions pour protéger les libertés». Un aveu présidentiel que ces libertés étaient vraiment menacées qui a gonflé d'aise les parties de l'opposition les nombreuses associations qui s'étaient mobilisées pour dénoncer les abus de ce fichier adopté par décret en pleine rupture estivale. Le fichier Edvige pourrait être expurgé des informations concernant l'orientation sexuelle et la santé des personnes. Ainsi que l'idée de ficher des personnalités, pourrait être abandonnée. Le recul de Nicolas Sarkozy sur le fichier Edvige n'est pas le fruit de la seule mobilisation de l'opposition, ni de la vaillante attitude des associations. De dangereuses fissures ont commencé à voir le jour au sein du gouvernement et la majorité présidentielle pour dénoncer le côté liberticide d'un tel texte. Ainsi des hommes aussi proches de Nicolas Sarkozy comme le ministre de la Défense Hervé Morin, des syndicalistes comme François Chérèque, patron de la CFDT, des femmes comme Laurence Parisot, présidente du Medef, avaient outrepassé leur fidélité et brisé leur silence pour exprimer de profondes inquiétudes à l'encontre de ce fichier. Ce recul met l'ensemble de la majorité dans une difficulté manifeste. D'abord le gouvernement. François Fillon qui avait passionnément défendu la validité du fichier Edvige en rappelant à l'opposition cette réalité : «Ces fichiers existent depuis toujours. Ils avaient même fait l'objet d'une certaine formalisation en 1991. Et donc tous ceux qui aujourd'hui s'étonnent sont en réalité des hypocrites puisqu'ils ont gouverné à des époques où ces fichiers existaient et étaient moins contrôlés qu'aujourd'hui». Michelle Alliot-Marie devrait avaler des couleuvres alors qu'elle avait cyniquement critiqué Hervé Morin pour sa remise en cause publique du fichier Edvige. Ensuite, le Parlement dont le président Bernard Accoyer s'est senti libéré pour critiquer un texte adopté presque en catimini par décret surtout après le virage de Nicolas Sarkozy : «Ce n'est pas une réussite jusque là. Nous allons à l'Assemblée reprendre les choses en main». Il y a enfin le parti du président l'UMP qui, après s'être mobilisé pour défendre un texte inspiré de l'approche présidentielle générale de la thématique de la sécurité, se retrouve à chercher des arguments pour justifier et accompagner ce virage. Pour l'opposition, la volte-face de Nicolas Sarkozy, c'est du pain béni. François Hollande, le premier secrétaire en sursis du Parti socialiste, se permet d' élargir le cabas des enchères : «Ce que j'attends maintenant du président de la République, puisque c'est lui qui a fait ce mouvement de recul, c'est qu'il aille jusqu'au bout. Le décret doit être retiré, la concertation doit s'engager avec toutes les forces vives du pays, des garanties législatives doivent être apportées». Pour François Bayrou, un des premiers hommes politiques à avoir animé dès l'été la fronde anti-Edvige, la solution passe obligatoirement par le Parlement : «Non seulement je souhaite un loi, mais c'est une obligation. Il ne peut y avoir, selon la Déclaration des droits de l'Homme et la Constitution, d'entorse à cette liberté publique que s'il y a une loi». Pour Nicolas Sarkozy, il n'est pas encore tranché de savoir si ce recul aggraverait davantage son indice de crédibilité en révélant un fort degré d'improvisation et d'absence de concertation dans l'action gouvernementale, ou bien au contraire, il rejaillirai positivement sur lui en montrant sa capacité à s'autocritiquer et à se remettre en cause.