Nicolas Sarkozy sait que son invitation pour Bachar El Assad pourrait être mal comprise et mal accueillie par les hommes politiques libanais notamment ceux du «14 mars». Donc c'est officiel. S'il décide de répondre favorablement, le président syrien Bachar El Assad sera aux côtés du président français Nicolas Sarkozy lors des cérémonies du 14 Juillet à la Concorde, au lendemain du sommet de Paris pour lancer les fondations de l'Union pour la Méditerranée. L'image, d'une saveur particulière, frappe déjà les imaginations et fait débat politique et diplomatique. Cette situation n'a été rendue possible et envisageable que parce qu'après une longue guerre d'usure lancée par l'ancien président Jacques Chirac contre le régime syrien qu'il accusait d'être responsable directement de la mort de son ami Rafic Hariri, Nicolas Sarkozy a opéré un changement dans sa politique au Proche-Orient. Celui de se rapprocher coûte que coûte de Damas. L'accord de Doha et l'élection de Michel Souleïmane à la présidence de la république libanaise ont été des signaux suffisamment forts pour que Nicolas Sarkozy réalise la manœuvre de ce rapprochement. Cela avait commencé par une visite éclair à haute valeur politique à Beyrouth et cela est en train de se terminer par une invitation portée par les deux envoyés spéciaux à Damas, Claude Guéant et Jean David Levitte. Entre-temps, les relations entre Paris et Damas on connu une brusque embellie par la visite en France du ministre syrien de la Culture, Riad Naassane-Agha, la première d'un membre du gouvernement syrien depuis trois ans. C'est le spectaculaire rapprochement que les Français tentent d' établir avec les Syriens sur fond d'enjeux régionaux explosifs et à la veille d'échéances déterminantes. Bachar El Assad, au défilé du 14 Juillet, provoque un débat domestique jusqu'aux tréfonds du Parti socialiste. Tandis que François Hollande, le patron du parti estime que si «L'invitation à Paris du président syrien, à l'occasion du sommet de l'Union pour la Méditerranée, est une bonne chose, il serait peu judicieux que cette invitation se poursuive dans les cérémonies de la Fête nationale, le 14 Juillet». Un autre socialiste Jack Lang s'interroge : «Pourquoi jeter une excommunication sur la Syrie alors que personne ne soulève d'objection à la venue du président tunisien, chef d'un système autoritaire et policier? (…) la Syrie est un des pays clés d'une solution équitable et durable au Moyen-Orient et d'une pacification définitive au Liban». Ce rapprochement entre Nicolas Sarkozy et Bachar El Assad n'est pas du goût des Américains. Depuis le début de ce flirt franco-syrien, l'administration Bush n'a cessé de montrer quelques signes d'impatiences et de mauvaise humeur, utilisant un ton aigri accentué par l'atmosphère de départ provoqué par l'approche des élections. Le porte-parole du département d'Etat Sean McCormack s'est chargé de rappeler le réquisitoire américain contre Damas : «Les Etats-Unis sont très préoccupés par le comportement du gouvernement syrien, notamment son soutien au terrorisme, son programme nucléaire clandestin, le fait qu'il facilite le passage de combattants étrangers vers l'Irak, sa répression à l'encontre de son propre peuple et ses ingérences dans les affaires de ses voisins, y compris le Liban». Condoleezza Rice demande aux Français de transmettre «le bon message» aux Syriens : «Ce message, c'est que la Syrie doit profiter de toutes les opportunités qui pourraient lui être présentées lors des négociations indirectes que les Turcs ont entrepris avec les Israéliens (…) La Syrie doit remplir ses obligations selon (les résolutions) 1559 et 1701 (…) La Syrie doit soutenir les efforts que les Palestiniens et les Israéliens ont entrepris pour trouver une solution à deux Etats». Nicolas Sarkozy, qui s'apprête apparemment à reporter son voyage en Israël pour cause de scandale politique menaçant de faire tomber le Premier ministre Ehud Olmert sait que son invitation pour Bachar El Assad pourrait être mal comprise et mal accueillie par les hommes politiques libanais notamment ceux du «14 mars». Le leader druze Walid Joumblatt avait décrit cette invitation de «honte pour le peuple français». Mais le président français est conscient aussi de l'importance d'un pays comme la Syrie pleinement actif au sein de l'Union pour la Méditerranée, avec son effet d'entraînement et l'exemplarité qu'il peut exercer sur l'ensemble des pays du pourtour méditerranéen. La diplomatie française a dû parvenir à la conclusion que cela vaut bien une invitation et une parade.