Politiquement isolée depuis l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafik Hariri, la Syrie de Bachar peine à formuler une défense efficace. La situation originale que vit aujourd'hui Bachar El Assad à Damas est de celles que la Syrie, par tradition, a toujours cultivée : assiégé par des pressions internationales d'une grande force qui n'ont d'égales que les sollicitations les plus insistantes, le jeune président syrien, récemment plébiscité par référendum, se retrouve au cœur d'un jeu régional instable et mouvant. Politiquement isolée depuis l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafik Hariri, sous le rouleau compresseur d'un tribunal international, la Syrie de Bachar peine à formuler une défense efficace. Sa carte maîtresse reste la gestion des conflits régionaux dans lesquels ses services semblent impliqués. Premier foyer de tensions le Liban, que les forces syriennes ont dû quitter précipitamment sous la menace internationale, notamment franco-américaine. Accusée d'être derrière la série d'assassinats qui avait visé les symboles libanais de la contestation anti-syrienne, Damas est directement accusé d'allumer la guerre des camps palestiniens au Liban et de parrainer Fatah Al Islam, une organisation proche d'Al Qaïda. Le Premier ministre libanais Fouad Saniora ne s'embarrasse pas de circonvolutions quand il pointe le fer accusateur contre le régime syrien. Il affirme que les interrogatoires des prisonniers de Fatah Al Islam révèlent «sans aucun doute qu'il y a un lien entre eux et certains services de renseignement syriens». Cette accusation de collusion avec une filiale d'Al Qaïda est la plus grave jamais portée contre les dignitaires syriens depuis que l'enquête onusienne initiée par le juge allemand Detlev Melhis et finalisée par le Belge Serge Brammertz oriente les regards inquisiteurs vers Damas. Seconde source de tension pour la Syrie, l'Irak. Acculée, verrouillée sur une incapacité manifeste à pacifier le pays, l'administration Bush a, pendant de longs mois, montré du doigt Bachar El Assad l'accusant de laisser se déverser sur l'Irak une armée de combattants étrangers à travers des frontières volontairement poreuses. La dernière rencontre entre Condoleeza Rice et son homologue syrien Waleed Al Moallem comme la visite de Nancy Pelosi et de nombreux députés américains à Damas avaient pour objectif de veiller à les rendre plus hermétiques. Le troisième front concerne Israël et les Palestiniens. La Syrie dont le Golan est occupé depuis 1967 par I'Etat hébreu, est accusée de pratiquer un baby-sitting acharné des éléments les plus radicaux de la cause palestinienne. Après un gel de plusieurs années, le dialogue israélo-syrien semble être sur le point de renaître de ses cendres. En témoignent ces déclarations du Premier ministre israélien Ehud Olmert : «Je sais qu'un accord de paix avec la Syrie m'obligera à ramener la souveraineté de la Syrie sur le plateau du Golan, et je suis prêt à assumer mes responsabilités en vue d'établir la paix entre nous». Cette tendance à la reprise des négociations est confirmée par le ministre israélien des Transports Shaoul Mofaz : «Nous sommes entrés en contact avec la Syrie par des canaux secrets. Cela a été fait (...). À ce jour, il n'y a pas eu de réponse syrienne». Le but ultime de Bachar El Assad est de sortir la Syrie de l'isolement international dans lequel ses choix politiques et stratégiques l'ont confinée. Si du côté des Américains, l'approche semble officiellement figée comme l'indiquent les derniers avertissements de G. W. Bush, la position française connaît quelques frémissements comme le montre clairement cette interrogation de Nicolas Sarkozy : «Faut-il ou non et à quel niveau reprendre les discussions avec la Syrie? C'est une question qui est posée aujourd'hui, non pas à un niveau politique, peut-être à un niveau diplomatique». Cette nouvelle position française augure un changement de ton et de style de Paris à l'égard de Damas alors que Jacques Chirac formulait un rejet personnel à l'encontre de Bachar El Assad. Damas n'est certainement pas restée insensible à cette nouvelle tonalité de Paris qui s'accompagne d'une invitation inédite lancée par le ministre des Affaires étrangères français Bernard Kouchner aux partenaires libanais de venir en France tenter de trouver un compromis qui sort le pays de l'impasse politique et éloigne le spectre de la guerre civile.