« Une main tendue et un symbole pour la paix » selon Rama Yade, secrétaire d'Etat française aux Droits de l'homme. « Un symbole facheux pour la France » pour le secrétaire général du PS, François Hollande. L'annonce d'une éventuelle participation de Bachar el-Assad, le président syrien au défilé du 14 juillet sur les Champs Elysées, à Paris, n'en finit pas de faire des vagues. C'est évidemment devenu un sujet de politique intérieure. Alors que Bachar el-Assad est invité à la Fête nationale française au même titre que la cinquantaine de personnalités qui, espère-t-on à Paris, viendront la veille, participer sommet de l'Union pour la Méditerranée. Certaines ne se rangent pas plus que le président syrien dans le camp des démocrates. La France - et sa classe politique en particulier - a le génie de se tirer une balle dans le pieds, même lorsqu'il s'agit de se remettre en scène dans un Proche-Orient dont les Etats-Unis veulent l'écarter. Nicolas Sarkozy l'a compris. Il ne pouvait ignorer que l'invitation lancée à Bachar el-Assad, considéré à Paris comme responsable de tous les maux du Liban, allait susciter une contreverse. Il n'en a eu cure. « Dès lors que les députés libanais auront élu un président, nous reparlerons avec la Syrie », confiait, il y a quelques mois, un conseiller à l'Elysée. Cette hypothèque étant levée, Baabda, la présidence libanaise, ayant retrouvé un locataire en la personne du général chrétien Michel Sleimane, Nicolas Sarkozy a tenu parole. Il a annoncé l'envoi auprés de Bachar de deux émissaires de premier plan, le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant et le patron de la cellule diplomatique de la présidence, Jean-David Lévitte. De son côté, Damas pourrait renvoyer un ambassadeur en France et le ministre syrien de la Culture, Riad Naassane-Agha arrivait en visite officielle à Paris. La France n'avait pas reçu de ministre depuis 2004. Nicolas Sarkozy a deux objectifs en renouant avec la Syrie de Bachar el-Assad. Le premier tourne autour de l'Union pour la Méditerranée (UPM), ce projet élyséen si mal parti. Le président français espère que son homologue syrien sera présent au sommet du 13 juillet et que sa venue incitera les autres pays de la rive sud à y assister. Le pari de l'Elysée est clair : puisque la Syrie discute indirectement avec Israël, par Turquie interposée, depuis le début de l'année, pour tenter de récupérer le Golan, elle peut avoir intérêt à se retrouver avec Ehoud Olmert au sommet, et au minimum, n'aura pas, vis à vis d'Israël, les réticences des autres pays arabes, en particulier la Libye et l'Algérie. Deuxième objectif de Sarkozy : inciter la Syrie à s'éloigner de l'Iran, son seul allié dans la région avec lequel elle a signé un accord stratégique. Ce second objectif recherché par les Etats-Unis, les rend un peu plus indulgent au fait que la proposition française permette à la Syrie un retour en grâce sur la scène internationale. Dans l'immédiat, rejeté par les Occidentaux, Bachar el-Assad est aussi en froid avec l'Arabie Saoudite et l'Egypte. Le calcul élyséen va-t-il être le bon ? Rien n'est moins sûr. Il est certain que Damas a envie de sortir de son isolement diplomatique. En évinçant Chawkat, son beau-frère, responsable d'un des puissants services de sécurité, et soupçonné d'avoir organisé l'assassinat de Rafik Hariri, le président syrien a voulu faire un geste fort. Mais sur le Liban, dont la France s'estime toujours la protectrice, les intérêts des deux pays sont divergents et on risque de s'en apercevoir rapidement. A l'Elysée, on affirme qu'il n'est pas question de baisser la garde pour éviter que se tienne le tribunal internationale chargé de juger les assassins de Rafik Hariri. Dans l'immédiat, Bachar el-Assad réserve sa réponse sur sa venue au sommet du 13 juillet. Nicolas Sarkozy risque de découvrir la complexité de « l'Orient compliqué ».