En plus de la Libye, Paris reconnaît que deux autres grands pays méditerranéens n'ont pas encore confirmé leur présence au sommet de la Méditerranée : la Turquie et l'Algérie. Aujourd'hui, c'est officiel. L'Elysée l'annonce, le ministère des Affaires étrangères le confirme : Le Rais libyen Mouammar Kadhafi ne sera pas présent au sommet de l'Union pour la Méditerranée prévu le 13 juillet à Paris. La confirmation de cette absence a été tardive pour une seule raison : Suspectant le numéro un libyen de pratiquer l'exercice spectaculaire des girouettes qui changent d'avis et de destination au gré de la météo, la diplomatie française s'attendait à un dernier retournement de situation. Et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé. Jusqu'à la dernière minute, la Libye était dans la ligne de mire de Paris. Nicolas Sarkozy avait dépêché son secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, à Tripoli pour tenter de convaincre Mouammar Kadhafi d'annoncer sa présence au sommet. Le bras droit du président de la république, l'homme des missions délicates, savait que les violentes attaques verbales auxquelles s'est livré le leader libyen contre l'UPM ne l'empêchaient pas de claironner le contraire. Il était dans sa nature de fustiger le diable le matin et de l'encenser en dînant avec lui le soir D'où cet acharnement à vouloir absolument aller jusqu'au bout de sa démarche de persuasion. Claude Guéant, en plus d'être le porte message le plus influent de Nicolas Sarkozy, est un familier des allées du pouvoir à Tripoli. N'a-t-il pas participer en compagnie de l'ex-première Dame de France Cecilia Sarkozy à l'opération du sauvetage des infirmières bulgares et du médecin palestinien ? Pour Nicolas Sarkozy, même si l'heure des bilans n'est pas encore arrivée, le leader libyen aura été un fracassant investissement à perte. Lorsqu'il lui avait déroulé le flamboyant tapis rouge de la république au cours d'une interminable visite de cinq jours, Nicolas Sarkozy avait des raisons de supporter la violente polémique qui avait secoué jusqu'à son gouvernement. On se rappelle des sorties fulgurantes de Rama Yade, secrétaire d'Etat aux droits de l'Homme et des contorsions alambiquées de Bernard Kouchner, sans parler des quolibets moqueurs de la gauche qui voyait là une occasion inespérée de mettre fin à l'état de grâce et d'obliger Nicolas Sarkozy à descendre de son piédestal. Mais Nicolas Sarkozy avait tenu bon. Sans doute avait-il en tête les juteux contrats qu'il s'apprêtait à signer avec la Libye et qui faisaient partie de sa stratégie d'aller «chercher la croissance avec les dents». Il avait sûrement en tête aussi la volonté de dompter et de séduire une tête brûlée de la rive sud de la Méditerranée, si utile à son projet d'Union. D'ailleurs pendant cette visite, la diplomatie française se plaisait à souligner avec quelle bienveillance, le Rais libyen voyait naître ce projet et à quel point il était disponible pour y participer. Une fois confirmée la non participation de Mouammar Kadhafi au sommet de Paris, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner tente de minimiser l'impact d'une telle absence : «Personne ne l'a trop sollicité». Les mauvaises langues pourront toujours dire cette phrase qui souligne davantage l'échec de Claude Guéant que le boycott du leader libyen. Bernard Kouchner et Claude Guéant se livrent depuis longtemps à une sourde compétition sur la manière de gérer les grandes crises internationales et de configurer le visage de la diplomatie française. En plus de la Libye, Paris reconnaît que deux autres grands pays méditerranéens n'ont pas encore confirmé leur présence au sommet de la Méditerranée. Et pour cause. La Turquie d'abord, dont les dirigeants ont soupçonné depuis le début Nicolas Sarkozy de vouloir monter l'échafaudage de cette Union pour la Méditerranée pour bloquer leur adhésion à l'Union européenne. Ensuite l'Algérie qui, pour camoufler son irritation et sa frustration devant un éventuel partage des responsabilités qu'elle juge défavorable au sein de la nouvelle structure à naître, sort la carte des «clarifications» sur la présence d'Israël pour motiver sa prise de distance. Et alors que le président syrien, Bachar El Assad, pays frontalier d'Israël, confirme sa présence à Paris, le président algérien Abdelaziz Bouteflika laisse toujours planer le suspense.