Bernard Kouchner fait semblant d'oublier que la Fête nationale de l'année dernière intervenait quelques jours seulement après le départ de Jacques Chirac de l'Elysée et la victoire de Sarkozy. L'information aurait passé presque inaperçue. De celle que journalistes et diplomates mettent nonchalamment dans une corbeille provisoire en attendant que le temps procède à son élimination définitive. Mais celle, annonçant avec les circonvolutions d'usage le boycott de l'ancien président Jacques Chirac de la fête nationale du 14 Juillet à cause de la présence du président syrien Bachar Al-Assad résiste à l'usure de l'actualité. Bien au contraire, elle éclaire d'un nouveau jour le grand tournant qu'opère Nicolas Sarkozy dans le cours de la diplomatie française en se rapprochant de manière aussi spectaculaire de la Syrie et de son président, honni pendant de longues années par son prédécesseur. De la fracassante rupture pratiquée par Jacques Chirac en 2005 pour cause d'un puissant faisceau de doutes sur l'identité des assassins de Rafiq Hariri aux chaleureuses retrouvailles de Juillet 2008, l'écart est jugé large sans que l'enquête n'effectue la moindre progression. Le reflexe premier de l'équipe de Nicolas Sarkozy est de minimiser l'importance et l'ampleur de ce boycott. Le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui affirme s'être entretenu avec Jacques Chirac émet depuis Israël ce jugement : «Je comprends qu'il ait un jugement sur Bachar Al-Assad qu'un certain nombre de gens partagent en ce qui concerne les droits de l'Homme. Mais il ne m'a pas dit cela (...) En tout cas, il n'était pas non plus l'an dernier au 14 Juillet». Bernard Kouchner fait semblant d'oublier que la fête nationale de l'année dernière intervenait quelques jours seulement après son départ de l'Elysée et la victoire de Nicolas Sarkozy. Que Jacques Chirac aille tranquillement cuver les premiers jours de sa retraite ne semblait choquer personne. La secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme, la pétillante Rama Yade a tenu à mettre son grain de sel dans cette polémique : «Je peux le comprendre dans la mesure où il a des relations très personnelles avec la famille Hariri (…) Mais la visite de Bachar Al-Assad est indépendante du fonctionnement du tribunal qui continue à évoluer selon son agenda habituel», avait-elle assuré en réponse à tout ceux qui commencent à émettre des suspicions sur l'existence d'un grand deal entre Paris et Damas : Bonnes grâces syriennes contre l'avortement du tribunal chargé d'arrêter et de juger les assassins de Rafic Hariri. Mais c'est à un des responsables socialistes, Pierre Moscovici qu'est revenue la responsabilité de mettre le doigt sur la cicatrice encore sanglante de Jacques Chirac et d'expliquer les ressorts psychologiques d'une telle démarche : «il avait, on le sait, avec Rafic Hariri des relations d'une extraordinaire proximité, tellement proche d'ailleurs qu'il habite encore aujourd'hui dans un appartement prêté par cette famille et il a toujours estimé pour sa part que la Syrie et le président Bachar Al-Assad étaient directement responsables de l'assassinat de celui-ci». L'ancien président français a eu, selon Moscovici une «réaction (...) à la fois affective, extrêmement forte, peut-être un peu disproportionnée (...) et en même temps quelque chose de compréhensible». L'absence de Jacques Chirac aux cérémonies du 14 Juillet ne vise pas particulièrement à dynamiter le projet de l'Union pour la Méditerranée qui tient lieu d'axe cardinal de la diplomatie française. Les relations entre les deux hommes se sont quelque peu réchauffées ces derniers temps. N'ont-ils pas fumé le calumet de la paix lors d'un déjeuner le 4 juin dernier, seconde rencontre entre les deux hommes depuis le 17 septembre 2007 ?