Depuis son départ de l'Elysée, Jacques Chirac ne s'est pas livré à une foudroyante activité. Il a attendu longtemps avant de lancer sa Fondation pour le développement durable et le dialogue des cultures. Si, il y a presque deux ans, à la veille de son départ de l'Elysée, quelqu'un avait murmuré à l'oreille de Jacques Chirac qu'il serait en avril 2009 la personnalité préférée des Français, l'ancien président de la République l'aurait regardé avec dépit comme un courtisan enflammé ou, au pire, comme un consolateur effréné. Et pourtant c'est ce qui vient d'arriver. Un sondage IFOP que publie Paris Match ce jeudi est sans appel : 74% des Français ont une bonne opinion de Jacques Chirac. La performance de l'ancien président de la République est telle qu'il détrône haut la main deux icônes préférées des Français, Rama Yade qui fait jeu égal avec Bernard Kouchner avec 69% d'opinions favorables. Depuis son départ de l'Elysée, Jacques Chirac, en sage retraité de la politique, ne s'est pas livré à une foudroyante activité. Il a attendu longtemps avant de lancer sa Fondation pour le développement durable et le dialogue des cultures. L'exploit de Jacques Chirac est d'autant plus significatif que tout était réuni pour le maintenir dans le goulot. Ses ennuis judiciaires dans de nombreuses affaires qui datent de sa période de maire de Paris, le fait qu'il soit encore hébergé avec Bernadette, Quai Voltaire, dans un luxueux appartement de la Famille Hariri. La tentation est grande de dire que c'est encore une fois, l'émission satirique «Les guignols de l'info» sur Canal+ qui a réussi à le maintenir en vie. Jacques Chirac y incarne une retraité désabusé, habillé en permanence en survêt, victime de la vie chère, des prix qui flambent et de la baisse du pouvoir d'achat. Beaucoup de Français ont dû se reconnaître dans ce personnage, à la fois bougon et soumis qui incarne l'esprit de la crise. Mais Jacques Chirac doit remercier le nouveau président américain Barack Obama qui, sitôt élu, lui adresse une émouvante lettre dans laquelle il lui parle comme si il était encore aux affaires : «Je suis certain que nous pourrons au cours des quatre années à venir collaborer ensemble dans un esprit de paix et d'amitié afin de construire un monde plus sûr». En France, certains politiques, par conviction ou par calcul, se sont mis à regretter publiquement Jacques Chirac. La plus célèbre d'entre-eux est Martine Aubry, la première secrétaire du PS : «Je me dis que finalement, on le regrette (..) On a eu beaucoup de désaccords, mais on avait de bons moments (…) Il avait au moins une qualité, c'est de connaître la réalité de la France (…) Et puis, nous avions des goûts communs, je pense au Maroc, j'ai quelques souvenirs assez sympathiques ». Cette posture de Martine Aubry lui a valu une verte critique de la part de l'ancien bras droit de Ségolène Royal, Manuel Valls, qui estime que «regretter Chirac, c'est nier le fort besoin de changement qui s'est exprimé durant la campagne présidentielle de 2007». Une autre femme politique ironiquement regrette Jacques Chirac, c'est Marine Le Pen, la fille de son père : «Aujourd'hui, l'inertie de Chirac devient une qualité (…) On en vient presque à regretter Chirac, car lui au moins ne détruisait rien». Est-ce une cyber blague de potaches ou une sérieuse tentative de réhabiliter Jacques Chirac, un mystérieux comité «Chirac 2012» est lancé sur le toile avec cette ambition décrite par un porte-parole anonyme : «Le sens de notre action consiste avant tout à faire revenir sur scène un grand homme politique qui, selon nous, est à même de redresser la France, par sa très grande expérience, par sa sagesse, son sens de la modération et par sa haute vision de la France, dans la continuité de la tradition gaulliste ». Il semble clair aujourd'hui que tous ceux qui s'évertuent à exprimer une nostalgie à l'égard de Jacques Chirac n'ont pour seul objectif que de critiquer la gouvernance de Nicolas Sarkozy. Et ce, en opposant deux miroirs de deux époques qui se veulent contradictoires : la pire, l'incertaine d'aujourd'hui et la supportable d'hier. Plus on élève une grande stèle au grand Jacques, plus on minimise le bilan et on dévalorise l'action de Nicolas Sarkozy. Cette démarche devient efficace quand elle trouve un écho certain au sein de la famille UMP qui reste déchirée entre les deux hommes malgré le consensus affiché pour battre la gauche.