Aujourd'hui, Jacques Chirac, 75 ans, ne brille ni dans le profitable «ménage mondialisé» ni dans la lugubre chronique judiciaire. Il trône encore au cœur du débat politique français. Si quelqu'un avait prédit à Jacques Chirac qu'après un an de son départ de l'Elysée, il serait encore au centre du débat politique français, il l'aurait regardé avec un mépris bienveillant de celui qu'on adresse aux courtisans et aux flagorneurs. En quittant l'Elysée, Jacques Chirac partait vers l'inconnu. Différents juges aiguisaient leur code pénal dans l'attente de cette victime de choix qui allait perdre son immunité et se trouver son statut de justiciable ordinaire. Dans le meilleur des cas, l'ancien président de la république s'imaginait couler une paisible retraite de président entre des ménages dorés sur des thématiques à vocation internationale et l'animation d'une fondation pour l'écologie et le développement durable. Dans le pire des cauchemars, il se voyait lutter sans arrêt contre les multiples casseroles juridiques accumulées au cours d'une longue et tumultueuse carrière. Or aujourd'hui, Jacques Chirac, 75 ans, ne brille ni dans le profitable «ménage mondialisé» ni dans la lugubre chronique judiciaire. Mais bien au contraire, il trône encore au cœur du débat politique français et ce, grâce à des attaques en règle que vient de lui adresser Nicolas Sarkozy. Récemment, Jacques Chirac s'est fait rappeler au bon souvenir des Français quand il s'est fait poser un simulateur cardiaque en avril dernier ou quand il a pris la décision d'inviter le staff de ses anciens collaborateurs pour faire le point d'une année de fin de mandat. Pendant ce temps, le successeur de Jacques Chirac, en plein creux de la vague, n'a pas pu se retenir pour établir des comparaisons désavantageuses entre les deux présidents : «Chirac a mis 21 ans à se faire élire. Moi, je l'ai été du premier coup (…) Il a fait une réforme et demie, son premier septennat s'est arrêté en décembre 1995 sur un recul sur la réforme des régimes spéciaux (…) Moi, je n'ai pas l'obsession de durer et je mène tout de front». Ces déclarations de Nicolas Sarkozy ont choqué par la futile compétition qu'elles tentaient d'établir entre deux hommes aux destins et aux tempéraments politiques différents. La classe politique française leur avait réservé un accueil mitigé quand ce n'est pas franchement scandalisé. A droite, le député de la Drôme, Hervé Mariton, trempe sa langue dans du fiel : «Dans ses critiques contre Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy se trompe de combat. Ses piques inutiles ne sont pas du niveau d'un président». A gauche, la charge a été menée par Julien Dray avec détermination : «On n'attend pas d'un chef d'Etat qu'il réduise son discours et son analyse politique à une Chicaya de basse-cour contre son prédécesseur». Il faut dire que Nicolas Sarkozy et son équipe soupçonnent les fidèles de Jacques Chirac d'ourdir dans l'ombre des stratégies pour affaiblir et discréditer la gouvernance de Nicolas Sarkozy. Le tout en soufflant sur la grogne de plus en plus grinçante des parlementaires UMP sous la houlette de leur chef Jean-François Copé qui traîna naguère le qualificatif de «bébé Chirac», l'entourage de Nicolas Sarkozy. Jacques Chirac n'a pas, jusqu'à présent, répondu aux critiques acerbes qui lui a adressées Nicolas Sarkozy. Mais en leur opposant un mutisme hautain, Jacques Chirac leur garantit un écho retentissant qui met l'actuel président de la république dans le rôle de l'ingrat qui piétine allégrement ses aînés. Dans une interview diffusée hier dimanche sur la chaîne de télévision privée M6, Jacques Chirac se contente de cette réponse laconique : «je ne suis pas un homme qui regarde vers le passé. J'essaye d'avoir des perspectives d'avenir et donc ça va aussi bien que possible». Jacques Chirac, qui habite toujours dans l'appartement du Quai Voltaire prêté par la famille Hariri, s'apprête à lancer officiellement le 9 juin prochain sa fondation pour «le développement durable et le dialogue des culture» plus connue sous le nom de la «Fondation Chirac». Un des ses premiers combats est de militer pour redresser l'aide au développement (APD) de la France qui a notoirement baissé ces derniers années. Sur le sujet, Jacques Chirac est intarissable et euphorique. Il considère cette aide comme «un élément essentiel, tant sur le plan moral que sur le plan politique, d'équilibre de la planète».