Damas gèle tout contact politique avec Paris sur la crise libanaise. La Syrie est appelée par la France à ne pas intervenir au Liban. Après avoir un moment fait la sourde oreille comme s'il n'était nullement concerné par les menaces proférées contre son régime par Nicolas Sarkozy au Caire, le président syrien Bachar Al-Assad a changé brusquement son fusil d'épaule préférant l'affrontement politique à la retenue diplomatique. Le voilà qui fait donner dans l'artillerie lourde en laissant dire par son ministre des Affaires étrangères Walid Moallem que Damas Gèle tout contact politique avec Paris sur la crise libanaise avec des mots qui ne laissent place à aucun doute sur la détermination syrienne : «Il semble que les Français veulent imputer à la Syrie leur incapacité (...) à trouver une solution à la crise (libanaise) (…) Par conséquent, la Syrie a décidé de cesser sa coopération». Le chef de la diplomatie syrienne avait profité de l'occasion pour pointer les contradictions apparentes de la démarche française : «D'une part on demande à la Syrie de ne pas intervenir au Liban et d'une autre, on lui demande d'utiliser son influence sur ses alliés libanais» Réponse du Quai d'Orsay à ce qui est perçu par de nombreux observateurs comme un dangereux tournant dans la déjà difficile relation entre Paris et Damas : «Ce que nous avons dit aux Syriens, c'est que nos contacts politiques prenaient fin jusqu'à ce que la Syrie démontre sa bonne foi et qu'un président de large rassemblement soit élu au Liban». Ces déclarations font écho au coup de surchauffe donné par le président français lors de sa récente visite au Caire, lorsque, tout en menaçant de réactiver le spectre du tribunal international chargé de juger les assassins présumés de l'ancien Premier ministre libanais Rafiq Hariri, le président français avait décidé de revenir à la politique d'ostracisme et d'isolement qu'avait choisi son prédécesseur Jacques Chirac pour punir les maîtres de Damas de leur possible responsabilité dans l'anarchie libanaise. Fau-t-il signaler au passage que le brusque retournement de Nicolas Sarkozy à l'égard de la Syrie a été dégusté avec appétit par le ministre des Affaires étrangères de l'ouverture Bernard Kouchner lorsqu'il a avoué, de manière trop tonitruante pour être diplomatique, : « Nous avons sans doute été trop naïfs ». Le «nous» visait sourdement la décision de Nicolas Sarkozy de dépêcher à Damas deux des plus proches collaborateurs, le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant et le conseiller diplomatique Jean David Levitte, sans que Bernard Kouchner ne soit mis au parfum des ces manoeuvres diplomatiques de haute voltige. Ces deux éminences grises du président français ont été à l'origine d'un accord franco-syrien « sur une solution globale au Liban » que Damas fait valoir pour bien signifier le meilleurs de ses intentions et dont Paris nie l'existence aujourd'hui. Autant la réaction française signalait aux chancelleries arabes et occidentales que Nicolas Sarkozy était arrivé au bout d'un exercice de séduction raté et qu'il revenait à la case de départ en attendant des jours meilleurs, autant la riposte syrienne provoquait une césure politique béante qui ouvrait la voix à tous les scénarios possibles et imaginables. Dans le langage codé de la politique compliquée du Moyen-Orient, stopper les contacts politiques et la coopération et cesser d'être un interlocuteur équivaut presque automatiquement à occuper le dangereux fauteuil de l'adversaire. Une grande inquiétude hante aujourd'hui les cénacles parisiens de la réflexion diplomatique et militaire : Quels types de répercussions cette tension entre Nicolas Sarkozy et Bachar Al-Assad peut-elle avoir sur la présence française dans la région ? Paris déploie actuellement un important contingent au sein de l'UNIFIL, la force des Nations Unies chargée d'observer le cessez-le-feu au Sud Liban entre Israël et le Hezbollah. La crainte est d'autant plus justifiée que le président français n'entretient pas les meilleures relations avec le principal allié stratégique de Damas dans la région, le turbulent président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Les deux hommes ont déjà eu l'occasion d'échanger par voie de presse des propos très viriles autour du dossier nucléaire iranien. La conjonction d'intérêts entre Téhéran et Damas est susceptible de provoquer toutes sortes d'insomnie à Paris.