La Syrie vient de débuter une série de contacts politiques avec Israël sous parrainage turc avec le Golan comme principal monnaie d'échange. Sa perception de cet enjeu influencera l'attitude de nombreux pays arabes. En foulant le sol libanais pour quelques heures pour délivrer un message de solidarité pour le nouveau président libanais Michel Souleïmane et de soutien pour le nouveau processus de paix parrainé par Doha, Nicolas Sarkozy a voulu faire d'une pierre deux coups : remettre la France au cœur du jeu politique libanais et adresser des messages aux maîtres de Damas accusés par Paris de saboter l'unité et la réconciliation libanaise. Pendant qu'il parlait à Beyrouth, le président français avait les yeux politiquement rivés sur le voisin syrien. D'ailleurs, de l'aveu même de l'Elysée, cette visite n'a pu avoir lieu que parce que l'élection d'un président libanais, après de longs mois de vide politique et institutionnel, a été rendue possible par le bon vouloir et la bienveillance des Syriens. Nicolas Sarkozy pointe lui-même le tournant : «Aujourd'hui, une nouvelle page est peut-être en train de s'ouvrir dans les relations entre la France et la Syrie (…) Depuis trop longtemps, la situation de blocage et de crise au Liban empêchait la reprise progressive d'un dialogue, je veux dire d'un dialogue qui permette à nos deux pays de parler de leurs intérêts communs». Cette offensive diplomatique sur la Syrie vient aujourd'hui couronner une grande tentative de la part de Nicolas Sarkozy d'opérer une rupture avec l'ère Chirac en proposant à Bachar Al Assad un deal à la Kadhafi : aider à la normalisation des ses rapports avec l'Europe, à fluidifier ses relations avec la Maison-Blanche en échange d'une souplesse syrienne sur le Liban. Dans sa volonté de proposer ce grand marchandage, Nicolas Sarkozy est prêt à mettre sa visite à Damas dans la balance. L'Elysée laisse savoir que cette possibilité est tout à fait envisageable dans les plus brefs délais, «tout dépendait de la façon dont les choses vont évoluer, que ce soit au niveau de l'ouverture d'une ambassade syrienne à Beyrouth ou le respect de la paix civile au Liban». Nicolas Sarkozy ne cache plus son désir de reprendre langue avec le président syrien. Du premier contact téléphonique entre les deux hommes, le président français en a tiré l'impression que la présence de Bachar Al Assad à Paris pour lancer les fondation de l'Union pour la Méditerranée (UPM) en juillet prochain n'est pas à exclure et même envisageable. Même si la tonalité venue du Forum d'Alger ce week-end au cours duquel des pays arabes ont demandé « des clarifications » sur l'adhésion d'Israël à l'UPM n'est pas pour réjouir Nicolas Sarkozy, la diplomatie française mise sur Damas pour réaliser une grande percée sur la question. La Syrie vient de débuter une série de contacts politiques avec Israël sous parrainage turc avec le Golan comme principal monnaie d'échange. Sa perception de cet enjeu méditerranéen influencera certainement l'attitude de nombreux pays arabes. Mais le principal obstacle qui freine encore l'offensive française est la position de Paris à l'égard du tribunal international chargé de trouver et de juger les assassins de Rafic Hariri, un cauchemar permanent pour les autorités syriennes. Officiellement, la position de Paris n'a pas changé d'un iota. Nicolas Sarkozy l'a redit à Beyrouth devant Michel Souleïmane : «Nous le resterons (à vos côtés) pour que la mort de Rafic Hariri et la longue litanie des attentats, qui ont frappé depuis octobre 2004 tant des meilleurs fils du Liban, ne demeurent pas impunis (…) Les assassins doivent savoir qu'ils auront à payer (…) C'est tout le sens de la création du Tribunal international». Mais dans la réalité des choses, l'approche peut s'avérer beaucoup plus nuancée. Les émissaires de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée et Jean-David Levitte, conseiller diplomatique, qui s'apprêtent à reprendre leur bâton de pèlerin en direction de Damas, auront la lourde tâche de convaincre les syriens que ce tribunal vise davantage à punir les assassins de Hariri et non pas à provoquer la chute du régime syrien. La performance de ces deux envoyés très spéciaux résidera dans leur capacité à faire la nette distinction de ces deux objectifs.