Les liens sont tellement distordus entre les deux pays qu'un simple coup de téléphone entre les deux ministres des Affaires étrangères des deux pays, Bernard Kouchner et Walid Mouallem, fait les grands titres de l'actualité de la région. Depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy à l'Elysée et de Bernard Kouchner au Quai d'Orsay, la politique de Paris à l'égard de la Syrie faisait l'objet de nombreuses interrogations. Va-t-on poursuivre la politique d'isolement poursuivie par le président Chirac à l'encontre de Bachar Al Assad depuis l'assassinat de Rafic Hariri ? Ou va-t-on assister à l'ouverture d'une nouvelle page, rompre avec les choix chiraquiens et s'ouvrir sur le régime de Damas? Cette réflexion occupa une place majeure au sein du cénacle diplomatique. Les intonations de la rupture avec l'ère Chirac acclamées sur tous les tons par la nouvelle équipe Sarkozy laissaient entendre un possible virage de la diplomatie française sur le sujet même si la conjoncture laissait apparaître l'éventualité contraire. Avant son départ, le président Chirac avait organisé une réunion au sommet avec Nicolas Sarkozy, vainqueur de la présidentielle, en présence de Saad Hariri. De nombreux observateurs avaient précipitamment conclu à l'époque qu'il s'agissait d'un transfert d'héritage. Depuis, malgré de nombreux indices qui pouvaient laisser croire à un possible dégel entre la Syrie et la France de Nicolas Sarkozy comme l'organisation de la rencontre de la Celle-Saint-Cloud avec la participation remarquée du Hezbollah, la route reliant Damas à Paris restait désespérément déserte. Les contacts étaient au point mort et subissaient une conditionnalité politique qui s'avérait impossible à satisfaire. Les deux pays sont astreints à s'envoyer des messages par journalistes interposés comme ce fut le cas récemment lors de la visite de Nicolas Sarkozy au Maroc. «Nous ne voulons pas mettre à bas le régime syrien». Cette précision diplomatique française en dit long sur le faisceau de suspicion et de méfiance qui entoure les actuels liens franco-syriens. «La Syrie doit laisser le Liban indépendant. Elle doit comprendre que le Liban a droit à des élections libres» avant de préciser que «la France ne voulait pas mettre à bas le régime syrien» mais que «les assassinats d'hommes politiques libanais devaient cesser » et décrire l'étape à venir « La Syrie a mieux à faire que de s'extraire de la communauté internationale». Les liens sont tellement distordus entre les deux pays qu'un simple coup de téléphone entre les deux ministres des Affaires étrangères des deux pays, Bernard Kouchner et Walid Mouallem, fait les grands titres de l'actualité de la région. L'agence officielle syrienne Sana en a fait ce compte rendu en affirmant que les deux ministres ont estimé qu'il était «important que les Libanais parviennent à un accord sur l'élection d'un président consensuel, selon les règles constitutionnelles» avec la promesse de «déployer tous les efforts possibles pour réaliser cet objectif pour assurer l'unité des Libanais». L'offensive diplomatique de Paris sur la Syrie est portée par l'envoyé spécial de Bernard Kouchner, l'ambassadeur Jean Claude Cousseran, au cours d'un périple régional remarqué qui l'a mené de Riyad à Téhéran en passant par Damas. Si la discrétion est totale sur le message adressé par Nicolas Sarkozy à Bachar El Assad par cet intermédiaire spécial habitué aux missions à hauts risques, les élections présidentielles libanaises sur lesquelles une influence décisive est prêtée à la Syrie et sa participation éventuelle à la conférence d'Annapolis sur la paix au Proche-Orient sont au cœur de la démarche française. Il parait clair aujourd'hui que la diplomatie française déploie ses ailes parallèlement à ce qui apparaît aux yeux de nombreux observateurs politiques comme la dernière tentative américaine de faire venir la Syrie à la table d'Annapolis sans prendre d'engagement clair sur la restitution par Israël du plateau du Golan. Le bruit devient insistant sur une volonté américaine de présenter aux Syriens un «package» complet dans lequel l'arrêt de l'activisme syrien sur les fronts libanais, palestinien et irakien devient le prix à payer pour une normalisation des relations avec la Syrie et sa réintégration dans le jeu régional. L'objectif des Américains et des Français dans cette conjoncture est de travailler à démonter les nouvelles alliances régionales syriennes, Damas ayant remplacé intelligemment les solidarités arabes perdues, par de nouveaux soutiens stratégiques trouvés chez les Iraniens et les Turcs.