Aïd Al Kébir n'est pas seulement un rituel, c'est aussi une aubaine pour les commerçants. Les bouchers profitent de l'occasion pour offrir de nouveaux services plutôt coûteux. De longues files d'attente devant les boucheries. Celles-ci ont ouvert leurs portes dès le deuxième jour de la fête pour offrir aux clients un nouveau service qui représente, en cette occasion, une activité commerciale florissante. Le travail des bouchers ne cesse de s'adapter aux exigences et mutations que connaît l'Oriental. Il y a à peine quelques années, ces derniers prenaient leurs vacances annuelles juste après l'Aïd Al Kébir. Les abattoirs municipaux fermaient durant une dizaine de jours. A présent, ce n'est qu'à partir du quatrième jour de la fête qu'ils peuvent se reposer. La demande qui ne cesse de s'accroître a fini par fléchir les plus réticents. Plusieurs apportent la carcasse de leur mouton chez le boucher du quartier pour la découper en morceaux selon les différents plats devenus la tradition de l'Aïd, et la volonté du client qui aura à congeler la majeure partie de la viande. Après l'abattage qui coûte cent dirhams pour chaque mouton (un travail qui se fait en trente ou quarante minutes), la découpe, effectuée à partir du deuxième jour du sacrifice, est à cinquante dirhams et ne dure que dix minutes. « La découpe de la tête, de la peau, des viscères se fait dans les normes et les règles alors que les personnes qui n'ont pas une réelle connaissance « massacrent » la peau et la viande. Il suffit de jeter un coup d'œil sur certaines carcasses pour s'en rendre compte », explique un client qui attend son tour devant une boucherie. Une personne qui n'est pas en mesure d'égorger sa bête de l'Aïd et de la découper manque l'essentiel de la fête. C'est ce que ne cesse de répéter certains aux convictions plutôt classiques. «C'est une honte de ne pas pouvoir faire tout cela !», s'exclame Abdelkader pour qui la fierté consiste à ne pas recourir au boucher pour parachever leur rituel du sacrifice. Ce n'est pas le même son de cloche chez El Ghali, qui pense, lui, que c'est tout à fait normal de s'adresser à un boucher pour égorger ou découper son mouton. Les raisons avancées se rapportent essentiellement à la maîtrise du travail réalisé par un professionnel. «Le matériel du boucher est contrôlé par le service de l'hygiène alors que ceux des maisons ne le sont pas. Il ne suffit pas de laver son couteau et son couperet pour prétendre à l'application des précautions hygiéniques. Or un boucher, qui est contrôlé par un service d'hygiène, sait répondre aux attentes de sa clientèle et sait valoriser les viandes en fonction de leurs qualités et de leurs pièces de coupe. Il maîtrise les méthodes de présentation et les parties à découper», souligne encore Abdelhafid qui a adhéré à ce service à la carte depuis longtemps. L'Aïd Al Adha devient ainsi une ressource financière en plus pour des bouchers et leurs apprentis. «Le temps où nos parents faisaient tout le travail lié au sacrifice est révolu. Il faut accepter le professionnalisme des bouchers», ajoute Abdelhafid. Il ne faut pas oublier non plus que le recours aux outils tranchants exige une grande dextérité et une attention particulière pour éviter les blessures. Preuve à l'appui. Debout ou en mouvement sur son billot, Ahmed Guenfoudi, un boucher de la place, découpe avec aisance les morceaux de viande, les désosse selon la volonté de ses clients. Il impressionne par le maniement de ces outils tranchants et la précision de son geste quand il façonne et présente les différents morceaux. C'est presque un spectacle de performance pour les clients. M. Guenfoudi explique à ALM qu'il s'agit là d'un travail qui se fait en trois étapes. D'abord aiguiser les couteaux et couperets, puis dénerver en éliminant les morceaux inutiles avant de scier talons et jarrets, enfin découper en prenant soin de suivre la demande du client et ses habitudes culinaires.