Nicolas Sarkozy semble convaincu de sa politique du «silence» malgré l'aggravation de la crise du transport. L'épreuve du bras de fer sonne le glas de l'état de grâce. Depuis le début de ce conflit social qui paralyse les transports publics et ralentit l'activité économique, la question est sur toutes le lèvres: Mais où est donc passé Nicolas Sarkozy ? La dernière fois qu'on l'avait aperçu sur le terrain social, il se démenait comme un diable en Bretagne où il risquait de «recevoir ou de mettre un coup de boule» à un marin pêcheur qui le traitait de tous les noms et l'insultait pour s'être fait augmenter son salaire présidentiel de 140%. Et depuis, plus rien. Alors que les Français des grandes agglomérations ramaient, souvent sous la pluie et le vent glacial, pour aller et revenir du travail, qu'on annonçait heure par heure des rounds de négociations entre grévistes et gouvernement qui allaient aboutir incessamment, le président de la République, si accroc à la lumière des plateaux télévisés, était tapi dans l'ombre de l'Elysée, en train de suivre les évolutions de ce bras de fer social. Pour les plus cyniques des observateurs, que Nicolas Sarkozy ait pu se retenir et ranger son frein autant de jours sans débouler dans les assemblées des grévistes pour essayer de leur faire la leçon, est déjà en soi un signe de début d'humilité d'un président qui considérait sa seule élection comme le magique sésame à toute les réformes, y compris les plus délicates. Tout au long de ce conflit , Nicolas Sarkozy était resté étrangement silencieux. Sa parole est tellement originale qu'elle est devenue irremplaçable même par le Premier ministre François Fillon ou le négociateur en chef dans ce conflit, le ministre du Travail Xavier Bertrand. Une absence assourdissante qui avait soulevé beaucoup d'interrogations. Et si le poker menteur joué par Nicolas Sarkozy avait atteint ses propres limites ? L'épreuve de force, lancée à grand renfort de déclarations provocantes avant le début de cette semaine sociale, était censée, dans la logique de l'Elysée, s'évaporer dans les limbes, faute de combattants. Or, il s'est trouvé que malgré les mots d'ordre d'apaisement formulés par les chefs syndicaux, la base s'était rebiffée au point de contrarier les prévisions les plus savantes. Et c'est de cette manière là que Nicolas Sarkozy, qui avait prévu de jouer l'opinion contre les grévistes, la dynamique de réforme contre l'immobilisme, s'est retrouvé devant un front social où les crises se coagulent à vue d'œil et dangereusement au point de rappeler le terrible blocage de 1995 qui avait obligé le Premier ministre de l'époque Alain Juppé à une humiliante marche arrière. Nicolas Sarkozy se doit de rompre son silence. Le porte-parole du gouvernement, Laurent Wauquiez l'a presque annoncé avec une argumentation par défaut : «Après un conflit tel qu'on vient de le vivre, tel qu'on a essayé de le porter, en étant fermes sur ce qu'on voulait faire mais en laissant toujours sa chance à la négociation, il est évidemment légitime que le président puisse intervenir et on peut s'y attendre» Au delà des formules politiques que va utiliser Nicolas Sarkozy pour siffler la fin de la partie et signaler la sortie de crise, cette épreuve sociale met fin à un état de grâce qui avait duré plus longtemps que prévu. Son érosion dans les sondages le confirme tous les jours. Et comme un malheur ne vient jamais seul, Nicolas Sarkozy a dû lire avec beaucoup d'amertume l'éditorial du «New York Times» daté du 18 novembre intitulé «Two Sides of Mr. Sarkozy» dans lequel tous ses efforts pour séduire l'Amérique semblent s'évaporer. L'influent journal new-yorkais reproche au président français «son approche (qui) est discriminatoire envers les entreprises étrangères et les agriculteurs du Tiers-monde» et le NYT d'enfoncer le clou, «si les idées erronées de M. Sarkozy l'emportent, elles infligeront des dommages à long terme à la France et à l'Europe». Avant de le plomber sérieusement : «Ce serait une bonne chose d'accueillir une nouvelle alliance franco-américaine. Mais avant cela, M. Sarkozy devra résoudre le conflit entre ses ouvertures transatlantiques éclairées et sa vision protectionniste étroite pour l'Europe». Les oreilles de «Sarko l'américain» ont dû siffler de douleur.