L'installation de caméras à la chambre criminelle de Salé, où devait se poursuivre vendredi le procès de la cellule «Ansar Al Mahdi», a suscité un grand grabuge. Les avocats ont quitté la salle d'audience pour protester contre «l'illégalité» de l'enregistrement. Que s'est-il passé vendredi à la première salle d'audience de la chambre criminelle de l'annexe à Salé de la Cour d'appel de Rabat ? Chahut à la barre des accusés, vives protestations suivies du retrait massif des avocats chargés de la défense des 52 personnes suspectées dans cette affaire … le tout couronné d'un nouveau report du procès fixé cette fois au 29 septembre prochain. Qu'est-ce qui a donc provoqué un esclandre pareil ? Me Mostapha Ramid, avocat des quatre femmes suspectées dans cette affaire, dont des conjointes de pilotes de ligne, affirme dans une déclaration à ALM que «le détonateur de cet esclandre a été l'existence de caméras d'enregistrement suspectes au sein de la salle où devait se dérouler l'audition des accusés». Il invoque l'article 303 du Code pénal, lequel stipule que «l'enregistrement de l'audience doit se faire avec l'autorisation du représentant du ministère public et l'accord des accusés eux-mêmes». Or, d'après un autre avocat, Me Mohamed Tarek Sbaï, «ni l'un ni les autres n'ont été informés de l'installation de ces appareils». M. Sbaï en veut pour preuve «le refus des accusés eux-mêmes de se faire filmer lors du déroulement du procès». «J'ai été surpris avec tous mes collègues par l'existence de ces caméras», a-t-il confié, en révélant l'intention de la défense de saisir le ministère de la Justice sur ce qu'il a appelé «une grave atteinte aux droits de la défense». Même tonalité relevée chez l'avocat Ramid, qui compte intervenir, au nom de ses collègues, auprès du ministère de tutelle pour demander «le retrait de ces caméras suspectes». «Nous ignorons jusqu'à présent la raison qui est derrière l'installation de ces caméras», a-t-il indiqué. «Si l'enregistrement concerne uniquement le président de la chambre criminelle, ou encore le représentant du ministère public, il n'y a pas de problème. Mais de là à filmer les accusés, sans avoir obtenu leur accord, c'est contraire à la loi», a-t-il tranché, revendiquant à son tour le retrait de ces caméras, ou du moins leur mise en veilleuse. Me Abdelfettah Zehrach, autre avocat des accusés suspectés dans l'affaire, s'interroge pour sa part sur le réel objectif de cet acte, se demandant «pourquoi il y avait des caméras exclusivement dans la salle où devait se poursuivre le procès de la cellule Ansar Al Mahdi». Ce nouveau rebondissement dans l'affaire aura pour conséquence «l'enlisement du procès, déplore Me Ramid, des accusés». Ils sont au total 52 suspects à avoir été arrêtés dans le cadre de cette affaire en août 2006, dont le chef de la cellule Hassan El Khattab. Parmi les suspects, outre cinq militaires, trois gendarmes et un officier de police, figurent quatre femmes : Imane Bensaïd, Fatima Zahra El Rehioui, épouses de pilotes de l'air, Amal Serraj et Amina Lemseffer. Ces dernières sont accusées d'avoir participé au financement du projet terroriste de Hassan El Khattab. Les délits reprochés au chef de la cellule, Hassan El Khattab, ainsi que les autres co-accusés, sont «la constitution de bande criminelle en vue de préparer et de commettre des actes terroristes», «et «atteinte grave à l'ordre public». Selon l'accusation, la cellule de M. El Khattab projetait de prendre le maquis dans les montagnes du Rif en vue de «renverser le régime et instaurer un régime islamiste».