Le Dr. Farida Afkari, médecin à l'Organisation panafricaine de lutte contre le Sida (OPALS), revient sur les insuffisances qui ralentissent le combat contre la drogue. Entretien. ALM : Comment l'OPALS agit-elle dans la lutte contre la drogue ? Dr. Farida Afkari : Nos actions portent essentiellement sur l'axe préventif. Car c'est à partir de là que l'on peut éviter qu'un fléau, comme celui de la drogue, s'installe au sein de la jeunesse. Nous organisons donc pour cela des séances de sensibilisation qui peuvent être soit individuelles, c'est-à-dire au cas par cas, au niveau du CTA (Centre de traitement ambulatoire) ou collectives au sein des établissements scolaires (tous niveaux confondus), des maisons de jeunes, des associations de quartiers ou de toutes autres associations. En principe, ce sont des séances d'éducation sur les modes de prévention du Sida, des infections sexuellement transmissibles (IST) à travers lesquelles nous mettons en garde les jeunes contre la drogue et ses méfaits. Cette éducation se fait également au moyen de CD-Rom que nous distribuons afin que chacun des bénéficiaires des séances puisse avoir des références et élargir, de son côté, l'information. Notre rôle au CTA reste ainsi focalisé sur l'orientation, mais en cas de prise en charge, le suivi médical se fait à l'hôpital Errazi à Salé. En tant que médecin, quelles sont les défaillances que vous constatez en matière de prise en charge ? Premier constat à faire, c'est le manque d'information et de communication au sein des groupes dits vulnérables; à savoir auprès des jeunes et dans les milieux de la prostitution. Il existe, certes, des tentatives, mais elles restent insuffisantes par rapport à la demande. Et cette insuffisance touche également les professionnels oeuvrant dans le domaine en matière de formation. Cette année, dans le cadre du plan national, la formation du personnel de la santé est sur la liste des priorités. Les ONG ont aussi besoin de cette formation afin de pouvoir assumer leurs missions. Car les intervenants de la société civile ne sont pas formés en matière de lutte contre la toxicomanie. Il faudra de même penser à la construction d'une structure spécialisée dans la lutte contre la toxicomanie. La stratégie nationale est en marche pour réduire la demande ainsi que les risques, mais aussi pour améliorer les traitements et assurer un suivi.
De plus en plus de jeunes s'adonnent à la drogue en tant que consommateurs et/ou dealers. Quels sont les facteurs qui favorisent pareille situation ? Nous avons eu au CTA des cas, effectivement, très jeunes, dont le plus récent est celui d'une élève de quatrième année de l'enseignement primaire qui vendait du Karkobi à l'école au prix de 5 DH l'unité. Cela semble incroyable et pourtant c'est la réalité d'un fléau. Les facteurs d'une ampleur pareille sont multiples, à commencer par le prix de la drogue et sa variété. Le trafic ne se limite plus aux drogues simples, il concerne à présent les drogues dures comme l'héroïne et la cocaïne qui proviennent de nombreuses régions. Il y a aussi l'irresponsabilité dont font preuve les parents, mais aussi les enseignants, sans oublier la grande Toile : Internet. Si cette dernière a de bons côtés, il faut, néanmoins, avouer qu'elle sert de moyens d'apprentissage et de découverte peu recommandés, dans ces cas précis. L'autre facteur, tout aussi important, qui explique l'âge de plus en plus jeune des victimes de la drogue reste celui des enfants des rues. Ils sont les premiers à se retrouver dans la gueule du loup et à s'adonner à la drogue. Qu'est-ce qui vous semble être, aujourd'hui, la priorité en matière de lutte contre la drogue ? Tout d'abord, il faut assurer la proximité et l'accessibilité des structures. Ensuite, passer à la mise à niveau et surtout à l'humanisation des structures existantes avec un programme de formation et de formation continue des professionnels et des éducateurs. Et pour qu'il y ait une meilleure prise en charge, il faudrait qu'il y ait mise en place d'une structure spécifique pour les malades difficiles ou les malades mentaux. Par ailleurs, la sensibilisation doit concerner l'ensemble de la société civile sur l'ampleur que la toxicomanie est en train de prendre. Je n'hésiterais pas à rappeler que ce n'est qu'en unissant nos efforts qu'on pourrait aboutir à un résultat concret et positif.