Oudaï et Qoussaï Hussein sont morts mardi à Mossoul, lors d'un raid des forces américaines contre une villa où les deux fils du président déchu se seraient réfugiés depuis la chute du régime irakien. Au lendemain de l'annonce officielle de leur mort, les Irakiens sont divisés entre ceux qui auraient aimé que les deux fils du dictateur soient capturés vivants et jugés pour leurs crimes et ceux qui appellent à venger leur mort. L'Amérique et la Grande-Bretagne se réjouissent. écœurant! George W.Bush et Tony Blair n'ont pas caché leur joie, qualifiant la disparition de Oudaï et de Qousaï Hussein de «grand jour», et déclaré espérer que leur mort dissuadera les groupes de guérilla qui harcèlent quotidiennement les soldats de la coalition. L'affaire est d'importance pour le Pentagone : si l'Administration Bush offre 25 millions de dollars pour la tête de Saddam Hussein, ses deux fils, qui étaient assimilés à l'As de trèfle et à l'As de cœur dans le jeu de cartes des figures du régime déchu élaboré par Washington, valaient dans l'esprit des hommes du Président, 15 millions de dollars. L'effet psychologique de l'élimination de deux dignitaires de premier plan de l'ancien régime n'est à négliger ni sur le terrain des opérations militaires ni à l'échelle internationale. Reste maintenant à persuader les Irakiens que Saddam Hussein lui-même peut être capturé ou assassiné. C'est un cousin, Nawaf Mohamed Al-Zaïdane, chef de la tribu des Bou Issa, qui a averti les Américains de la présence chez lui des deux fils de Saddam Hussein. Cet informateur peut revendiquer au moins une partie des deux récompenses de 15 millions de dollars qui étaient offertes pour les têtes d'Oudaï et de Qoussaï. En offrant pareilles sommes, les autorités américaines ont fait une priorité de la traque visant l'ancien Président irakien et ses lieutenants. L'élimination des fils du Président déchu intervient en tout cas après des cris d'alarme lancés par un panel d'experts américains dans un rapport rédigé à la demande du Pentagone. Dans cette étude aux conclusions sévères pour l'Administration Bush, les experts recommandent un engagement accru des Etats-Unis et des Nations unies pour garantir dans les plus brefs délais la reconstruction de l'Irak. Pour l'instant, dans la pratique, la seule structure politique irakienne officielle est un organe de 25 membres choisis par les Américains pour former un gouvernement transitoire. Mais, il est déjà rejeté par une majorité d'Irakiens qui le considère comme un «mort-né», dénonce le caractère ethnique de sa composition et l'accuse de servir de paravent à la coalition d'occupation. Ce qui est sûr désormais, c'est qu'en réduisant à néant le régime de Saddam Hussein, les Américains ont entraîné l'effondrement des structures de l'Etat irakien. C'est pourquoi l'occupation est aujourd'hui dans l'impasse. La société irakienne revendique ses propres modes d'expression. Les forces d'occupation ont besoin plus que jamais de coups d'éclat, de type de l'opération contre les fils de Saddam Hussein, pour accréditer les scénarios imaginés pour ce pays. Les experts diffèrent quant aux impératifs pour les Etats-Unis en Irak : « la période de temps à partir de laquelle les gens qui vous avaient accueillis en libérateurs s'impatientent est brève, trois mois seulement», estime un diplomate pour qui la résistance spontanée ou organisée du peuple irakien s'explique par l'incapacité des Américains, mal préparés, à empêcher les pillages après la chute de Saddam Hussein. Une seule solution pour ce diplomate, le fédéralisme permettant l'autonomie des chiites au Sud, des Kurdes au Nord et des Sunnites au Centre. Auparavant, il faut absolument «restaurer les services publics, rétablir l'ordre», créer des emplois, pour gagner la confiance des Irakiens. Ce que les Américains tardent à faire, ce qui leur vaut de nombreux revers. Les pertes américaines inquiètent la classe politique, l'opinion publique et la presse américaines: le Washington Post estime que le débat sur l'Irak gagnera bientôt toute l'Amérique. «Les opinions publiques sont fortement divisées. Le premier camp, qui n'a jamais soutenu l'intervention en Irak, appelle au retrait. L'autre camp rejette les critiques et avance dans ses projets initiaux qui consistent à ramasser les débris du régime renversé. Dans tous les cas, si Washington ne se résigne pas au plus tôt à accepter la création d'un corps authentiquement représentatif de toutes les tendances et de tous les courants politiques irakiens, la situation qui prévaut aujourd'hui est destinée à empirer pour se transformer en une résistance ascendante et généralisée. Washington risque d'alimenter un islamisme pur et dur. Il risque finalement de pousser le pays vers l'islamisme radical et le chaos. Colin Powell déclarait qu'en renversant le régime de Saddam Hussein, l'Administration Bush a débarrassé Israël du plus grand danger qui menaçait son existence. Une vérité peut cacher une autre, ce danger est aujourd'hui remplacé par une menace plus grave à terme, l'Islam radical à l'iranienne.