Pire que la menace que fait encore planer le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), il y a la pauvreté qui avance à pas de géant en Algérie. Diagnostic d'un «mal» que rien ne semble pouvoir arrêter. «Exportatrice de richesses et importatrice de pauvreté : c'est le triste état de notre économie». Ce constat, établi récemment par l'ancien Premier ministre algérien Ahmed Benbitour, résume parfaitement la situation dans l'Algérie d'aujourd'hui. Dans le pays du «million de martyrs», l'ennemi numéro 1 n'est pas la menace terroriste mais la pauvreté qui se propage à un rythme et dans des proportions alarmantes. Selon Ecotechnics, une société de conseil privée, le taux de chômage aurait franchi le seuil de 15,5% pour se situer à 24%. En sus de l'inemploi dont souffrent particulièrement les jeunes, la corruption, la bureaucratie et l'opacité des procédures administratives ont donné un sérieux «coup de frein» aux investissements étrangers et à l'importation du savoir-faire. Pays exportateur de pétrole et de gaz, l'Algérie n'a pas su utiliser les revenus de ses richesses pour créer une soupape à son malaise social galopant. Résultat? Les Algériens, meurtris par 14 années d'un conflit sanglant entre l'armée et des groupes islamistes radicaux, doivent encore subir les aléas d'une économie qui peine à se réformer après plusieurs décennies de planification centrale. Et ce n'est surtout pas le «boumédianisme» réinventé par le président Bouteflika qui permettra de sauver les meubles. Ou ce qui en reste. Nostalgique du bon vieux temps, l'actuel locataire du palais d'Al Mouradia a annoncé récemment son intention de «nationaliser» les compagnies pétrolières algériennes. Initiative qui résonne comme une tentative de «diversion» face au vrai problème qui empêche les Algériens de bénéficier réellement des richesses gazo-pétrolières de leur pays ; à savoir un système de rente qui n'a fait qu'enrichir les riches et appauvrir les pauvres. Nombreux sont les Algériens qui s'interrogent aujourd'hui sur la priorité qui continue à être accordée au «sécuritaire», se demandant si le pouvoir en place n'aurait pas «intérêt» à entretenir la psychose de la terreur chez le citoyen pour détourner son attention de la catastrophe socio-économique qui sévit dans le pays. Aujourd'hui, les Algériens font fi de la menace que les terroristes font encore planer. Pour nombre d'analystes, le seul groupe islamiste armé à ne pas avoir déposé les armes, en l'occurrence le GSPC, est, à présent, incapable d'agir à son aise. L'allégeance qui a été réitérée par ce groupe à l'organisation d'Oussama Ben Laden, Al Qaïda, a d'ailleurs été interprétée comme un «signe de faiblesse» par les Algériens. «Le désarroi interne au GSPC le pousse à trouver un soutien extérieur», commentait, ces derniers jours, le quotidien algérien «Liberté». Selon lui, «même si le GSPC conserve sa capacité de nuisance, il n'en est pas moins vrai que le groupe terroriste a du mal à agir sur le sol». Quelle conclusion peut-on alors tirer de ce constat ? Le régime du président Bouteflika est appelé à parer à une autre urgence, et pas des moindres : les conditions de vie d'une société qui est au bord de l'apoplexie.