Le 25 juin 2003, le « Constanta », un navire de guerre battant pavillon roumain, embarquait une centaine d'artistes, écrivains et journalistes pour une croisière à travers plusieurs pays méditerranéens. Objectif : délivrer, de port en port, un message de paix. ALM a été de ce périple, il veut bien le partager avec ses lecteurs. Après le départ de Kotor, une crainte mal cachée venait assombrir les regards des pacifistes. D'abord, par dépit d'avoir à quitter ce bout de paradis, Kotor, mais aussi et surtout de peur de «Shqipëria», qui veut dire en albanais «le pays des aigles». L'Albanie, l'un des plus petits et plus pauvres Etats d'Europe, était desservi par son image de pays de la guerre, de la misère, de l'insalubrité… Pays montagneux d'Europe orientale, situé dans la péninsule des Balkans, il ne faisait également parler de lui qu'à travers le trafic de drogue, la prostitution, le trafic illégal des émigrés, la charité-business… Quand à cela devaient s'ajouter les séquelles de longues années de règne stalinien, incarné par le régime autoritaire d'Enver Hoxha (1944-1985), l'échec de ses successeurs à assurer une très hypothétique transition vers la démocratie et l'économie de marché, on avait de la peine à imaginer si le «Constanta» pouvait même faire escale dans le port de «Saranda», ville située au sud de l'Albanie. A notre arrivée, le 17 juillet, à 20 heures, un premier constat venait confirmer l'hésitation des pacifistes. Le semblant de débarcadère, sur lequel le «Constanta» devait jeter les amarres, était trop étroit pour abriter un navire de guerre monstre. La patience du commandant du destroyer, celle de l'amiral de l'état-major des Forces navales roumaines qui nous accompagnait, a pour une fois été mise à rude épreuve. Le chef de manœuvre dut rouspéter ferme pour accoster le navire de guerre, sous le regard impuissant d'une centaine de pacifistes. Une fois à quai, quelle ne fut la surprise générale de le trouver encombré de tonneaux et de grues rouillées, de rafiots et autres teufs-teufs bonnes pour la ferraille. Pour compléter ce sombre tableau, une poignée de mendiants étaient venus en rajouter à cette désagréable surprise. «Cela commence bien», ironisa un passager. Mais détrompons-nous, l'Albanie est un pays où il y a des hommes et des femmes qui savent aussi accueillir, et écouter, ceux qui viennent à leur rencontre. Ceux qui se portèrent à notre accueil, tous membres de la section albanaise de l'IITM, n'avaient pas lésiné sur les moyens pour nous accueillir comme il faut. Le soir de notre arrivée, les pacifistes eurent droit à un buffet des plus corrects, organisé qui plus est dans un très beau château historique, surplombant l'une de ces magnifiques montagnes de Saranda. Cette ville était l'une des destinations privilégiées du tourisme albanais, sachant bien qu'elle recèle des paysages fantastiques, sauvages et naturels, des forêts exubérantes, elle offre également une très belle vue de l'Adriatique. Limitée au nord-ouest et au nord par la Serbie (Kosovo) et le Monténégro, et à l'est par la Macédoine, et au sud par la Grèce, Saranda, un joyau touristique, draine un grand nombre de touristes. Simplement, en dehors du tourisme, plombé d'ailleurs par un manque patent d'infrastructures hôtelières, Saranda, comme la majorité des villes albanaises, n'a pas d'autres ressources. C'est ce que nous ne tarderons pas à constater le lendemain de notre débarquement. Le 18 juillet, à la première heure, deux mini-bus étaient venus chercher les pacifistes. Objectif : une visite guidée à travers plusieurs sites historiques. Prenons l'état de la route qui devait nous mener dans un templier situé à une vingtaine de kilomètres du centre-ville, et laissons de côté l'état des quatre roues qui devaient nous servir de moyen de transport. De mémoire d'habitué des voyages, jamais je n'aurais roulé dans des bus autant décarcassées, sur une voie que ferait pâlir le plus hardi des cascadeurs. Un véritable fil de rasoir ! Cabrés dans des bus qui roulaient à tombeau ouvert, les pacifistes avaient du mal à regarder à travers les vitres de leurs fenêtres. Quand il arrivait aux plus aguerris de le faire, ce fut pour constater qu'au bord de la route, étaient érigées des plaques sur lesquelles on pouvait voir les photos de victimes d'accidents mortels de la circulation.