Tensions autour des concessions foncières et de l'accès à l'eau dans la région de Drâa-Tafilalet    Le Parlement andin en tournée en Espagne et au Maroc pour des échanges institutionnels    Maroc : l'endettement extérieur poursuivra sa trajectoire haussière en 2025    Le port espagnol de Vigo enregistre une hausse de 36 % des échanges automobiles avec le Maroc en 2024    France-Algérie : l'Elysée impose le tempo dans la reprise des relations et sanctuarise sa reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara    En Israël, l'amiral d'origine marocaine Eli Sharvit nommé à la tête du Shin Bet par Benyamin Netanyahou    En Algérie, le pouvoir transforme la prière de l'aïd en un mimétisme maladroit de ce qu'il voit sous d'autres latitudes    Coupe du Trône : le dernier carré en ligne de mire, des affiches alléchantes en huitièmes de finale    Entre carences institutionnelles et péril hydrique, la gouvernance de l'eau au Maroc à l'épreuve selon un nouveau rapport    Maroc : 38,3 % de remplissage des barrages, des écarts préoccupants entre les bassins    307 000 tonnes de tourteau de tournesol importées par le Maroc en 2024, soit 42 % du total africain    Des vestiges vieux de 3 000 ans, découvert à Kach Kouch au Maroc, réécrivent l'histoire du Maghreb    Présidence marocaine du CPS de l'UA pour le mois de mars: Un engagement renouvelé en faveur de la paix et de la stabilité en Afrique    Marine Le Pen condamnée à 4 ans de prison pour détournement de fonds publics    Maroc : Une Croissance économique de 3,7% au T4-2024    CAN U17 : L'Afrique du Sud renverse l'Egypte au bout d'un match à 7 buts !    Un réflexe marocain!    CAN U17/ Ilies Belmokhtar: naissance d'une étoile !    Maroc : Les précisions du PPS sur les milliards de dirhams accordés aux importateurs de moutons et vaches    Marine Le Pen condamnée à 4 ans de prison pour détournement de fonds publics    CAN U17 : Large victoire du Maroc face à l'Ouganda (5-0)    Tanger : Le PJD persona non grata lors d'une marche de soutien à Gaza    France : Les alliés du Polisario lancent une «marche» vers le Maroc    Kaïs : Le prénom arabe qui séduit la France en 2025    Abdelkader Belliraj, condamné pour terrorisme, libéré après une grâce royale    Fake journalist in Beni Mellal sentenced to 2 years for defamation and impersonation    Tangier : PJD barred from Gaza support march    Francia: Los aliados del Polisario lanzan una «marcha» hacia Marruecos    TF1 sur les traces de ces expatriés français en quête d' »une nouvelle vie » à Essaouira    Maroc – Algérie : Après la bataille Wikipédia, l'affrontement numérique via Grok sur X    Rabat. SM le Roi, Amir Al-Mouminine, accomplit la prière de l'Aïd Al-Fitr à la mosquée "Ahl Fès"    Renforts sécuritaires massifs à Belyounech pour contrer les infiltrations vers Sebta    Soldats américains disparus : leur véhicule retiré d'un marais lituanien    Arabie Saoudite: Près de 18,5 millions de pèlerins en 2024    L'Aïd au rythme du sacrifice : Ces travailleurs qui assurent la continuité des services essentiels    Un nouveau sommet historique pour l'or    Real Sociedad récupère Aguerd avant le choc contre le Real Madrid en Coupe du Roi    Climat des affaires : Ces lacunes qui freinent les réformes du Maroc    CAN U17: Les Lionceaux vainqueurs en ouverture    Transport interurbain : Un fardeau récurrent pour les voyageurs à l'occasion de l'Aïd    Amir Al-Mouminine accomplira lundi la prière de l'Aïd Al Fitr à la mosquée « Ahl Fès » à Rabat    CAN U-17 : Où regarder le match Maroc-Angola ce dimanche soir ?    Ramadan : 69,1% de PdA pour la télévision publique marocaine    Jazzablanca 2025 : Le groove australien s'invite avec Parcels    Rabat : Cérémonie en célébration de la Journée mondiale du théâtre    Ramadan 2025 : Les Marocains préfèrent le pôle audiovisuel public    L'Humeur : Les séries télévisées séduisent la MAP    Les acteurs américains Matt Damon et Zendaya en tournage au Maroc    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Débat : Du droit de grève dans la fonction publique (1)
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 22 - 07 - 2005

Si le droit de grève demeure constitutionnellement garanti, ce n'est pas pour autant que les employeurs et employés, qu'ils soient du public ou du privé, peuvent utilement s'en prévaloir.
La Constitution révisée de 1996 et les versions qui l'ont précédée, garantissent théoriquement le droit de grève pour être aux normes du droit international du travail et pour répondre, en interne, à un impératif de garantie des droits sociaux dont le droit de grève constitue un corollaire majeur. Pour implanter ce droit dans la culture salariale et pour lui donner les dimensions sociales qu'il est censé protéger, il est tout a fait naturel que des dispositions législatives et réglementaires, qui organisent son application sur le terrain, suivent. Or, depuis la Constitution de 1963, les mesures de mise en œuvre de ce droit sont toujours attendues, le législateur de 1970, 1972, 1992 et 1996 se contentant de renvoyer, à chaque échéance, une hypothétique loi organique qui viendrait réglementer cette matière dans ses conditions et ses formes.
Ainsi, si le droit de grève demeure constitutionnellement garanti, ce n'est pas pour autant que les employeurs et employés, qu'ils soient du public ou du privé, peuvent utilement s'en prévaloir, si les conditions de son exercice ne sont pas définies. Garantir ce droit au niveau de la Constitution est une chose, mettre en place les outils nécessaires pour son application en est une autre ; l'écart des deux positions est, plus qu'un non-sens, une hérésie juridique que plusieurs lustres ont maintenue en vie. Garantir constitutionnellement un droit ne veut nullement pas dire que l'on peut l'exercer sans limites, d'autant plus que dans notre propos, il s'agit d'assurer la continuité de services destinés à l'usager.
En France, ce n'est qu'en 1946 que le droit de grève fut légalement reconnu aux fonctionnaires, l'alinéa 7 de la Constitution du 17 octobre 1946 dispose que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Immédiatement après, une batterie de textes (du domaine de la loi et du règlement) intervient pour désigner d'abord les catégories interdites du droit de grève (personnel de sécurité, de police, administration pénitentiaire, Intérieur, armées…) et fixer les limites à l'exercice de ce droit par le personnel civil. Soit. Mais concomitamment, et contrairement à la doctrine et la jurisprudence marocaines, la jurisprudence française n'a pas attendu qu'une réglementation d'ensemble intervienne, elle a comblé le vide juridique, laissé par le législateur, par des décisions de principe. Le célébrissime arrêt Dehaene du 7 juillet 1950 où le Conseil d'Etat a estimé que le gouvernement pouvait, sous le contrôle du juge, se substituer au législateur défaillant, pour apporter des limitations à l'exercice du droit de grève par les agents publics, en a été la meilleure illustration. Le Conseil d'Etat est allé même jusqu'à reconnaître cette faculté aux chefs de services, auxquels il revenait de fixer les limites du droit de grève pour assurer un fonctionnement régulier des services dont ils ont la charge (transport, radiodiffusion, navigation aérienne, etc). «Admettre sans restriction la grève des fonctionnaires, ce serait ouvrir des parenthèses dans la vie constitutionnelle et consacrer officiellement la notion d'un Etat à éclipses», avait formulé le commissaire du gouvernement dans l'arrêt Dehaene. L'Etat à éclipses est ici celui dans lequel le rôle de l'Etat disparaît momentanément pour laisser s'exercer un droit dont les limites sont peu ou pas connues
La détermination de ces limites est accompagnée d'une réglementation instituant et arrêtant, à l'époque, les barèmes des prélèvements sur salaire pour fait de grève, de la façon suivante :
- Une retenue équivalente à 1/160ème du salaire mensuel quand la grève ne dépasse pas 1 heure ;
- Lorsqu'elle dépasse une heure sans excéder une demi-journée, la retenue est de 1/50ème;
- Lorsqu'elle dépasse une demi-journée, la retenue est égale à 1/30ème du salaire.
Au Maroc, à la fin des années 70 et au début des années 80, toujours devant ce vide juridique constant, le mouvement syndical revendicatif naissant, d'une autre facture, a occupé un espace « légitime » et a fait de l'exercice du droit de grève son cheval de bataille. Des grèves surprises que ni les pouvoirs publics à l'époque ni les employeurs et ni les salariés lato sensu, n'étaient initiés à gérer, ont affecté les services publics de l'enseignement et de la santé et des postes en particulier, acculant les pouvoirs publics à user de la procédure de la réquisition pour un fonctionnement minimum de certains services. Mais constat encore plus grave, elles ont ébranlé des milliers de familles dont les chefs étaient radiés de leur emploi pour « mouvement concerté de cessation de service ». Leur réinsertion ou leur dédommagement ont pris plusieurs longues années pour aboutir, à force de revendications répétitives et de recours pour excès de pouvoir intentés contre l'Administration. Pour ceux qui le pouvaient.
Aux agents publics qui ont eu l'audace de débrayer, des mesures de différents ordres leur ont été appliquées. D'abord, une suppression de salaire pour la ou les journées de grève pour service non fait, en vertu de la fameuse règle de comptabilité publique, et une sanction disciplinaire ayant atteint pour certains l'éviction définitive du service. «La cessation de service de façon concertée», expression consacrée dans la littérature administrative de l'époque, a été assimilée ici à une faute disciplinaire gravissime qui a débouché sur une sanction disciplinaire non moins gravissime et pis, elle est venue s'ajouter à une suppression de salaire pour service non fait, pour doubler la sanction.
Les grèves de cette époque, comme celles d'aujourd'hui d'ailleurs, ont par conséquent pris sur un fond d'absence totale de balisage juridique idoine. Et en dehors de l'article 14 de la Constitution de 1972, aussi laconique que général, et qui ne se prononce que sur la garantie du droit de grève, les pouvoirs ont pris des mesures tendant à briser les débrayages, au moyen de circulaires diffusées tantôt par la Primature, tantôt par le département de la Fonction publique, sur la base du célèbre décret du 5 février 1958 traitant de l'exercice du droit syndical par les fonctionnaires de l'Etat et en particulier de son redoutable article 5 qui dispose que «pour tout le personnel, toute cessation concertée du service, tout acte d'indiscipline caractérisée pourra être sanctionné en dehors des garanties disciplinaires ». Et tout est dit. Ce décret, qui se prononce par ailleurs sur la garantie du droit de grève aux fonctionnaires de l'Etat, des Offices et des établissements publics, ne définit ni les conditions ni les formes dans lesquelles il s'exerce, il ne fait plutôt que décrire les prérogatives des syndicats et ne précise point les limites de l'exercice de ce droit.
Déterré pour la circonstance, ce décret dont il n'a été fait usage que très rarement ou pas du tout, est sibyllin dans le sens, puisqu'il reconnaît le droit de grève dans son article 1er et l'assortit de lourdes mesures restrictives à l'article 5, s'il ne l'interdit pas indirectement. Il est dangereux dans sa portée, puisqu'il destitue tout fonctionnaire de ses garanties disciplinaires, s'il vient à cesser le service de façon concertée. Ce fût le cas, au début des années 80, de plusieurs centaines de fonctionnaires qui n'ont pas eu à user de leur droit de défense, parce que le grief articulé contre eux relève du fait de grève. Une forte inspiration du cas français, dira-t-on.
• Mohammed Sairi


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.