La solution marocaine à la question du Sahara qui repose sur une large régionalisation, une autonomie dans le cadre de la souveraineté nationale, se comprend mieux quand on voit les progrès et les avancées concrètes réalisés dans le Souss-Massa-Draâ. «Est-il nécessaire de créer, aujourd'hui, un nouveau micro Etat au Maghreb ?». Jean Pierre Chevènement a, soigneusement et diplomatiquement, évité – au moins directement - de répondre à cette question posée lors d'une conférence tenue, mardi dernier, en marge du festival Timitar à Agadir. À une autre question sur la responsabilité historique et morale de la France dans le désordre «saharien» au Maghreb directement lié au tracé colonial des frontières algéro-marocaines, la réponse s'est faite fine voire subliminale. «Si l'Algérie est ce qu'elle est aujourd'hui, c'est parce que l'Algérie, c'était la France.» C'est du Jean Pierre Chevènement dans toute sa splendeur qui sur le fond appelle à privilégier une approche basée sur la patience, la sérénité et le refus de l'escalade dans l'appréhension des tensions algéro-marocaines. Il semble privilégier une diplomatie «privée» qui permettrait de créer les conditions pour permettre notamment à l'élite algérienne de peser sérieusement sur le pouvoir pour préserver, à long terme, dans l'ensemble maghrébin, les vrais intérêts de l'Algérie. Cette piste met en avant la sagesse des peuples contre les calculs politiciens à court terme surtout quand ceux-ci sont exacerbés par une rente pétrolière qui, au prix actuel du baril, permet de se passer d'une stratégie globale d'intégration régionale. Que ce débat se passe à Agadir, cela est emblématique à plus d'un titre. La solution marocaine à la question du Sahara qui repose sur une large régionalisation, une autonomie dans le cadre de la souveraineté nationale, se comprend mieux quand on voit les progrès et les avancées concrètes réalisés dans le Souss-Massa-Draâ. La méthodologie retenue fait de cette région un site pilote qui peut donner corps demain à une vraie politique de régionalisation au profit de toute les régions du Royaume. Les conditions réunies à Agadir sont reproductibles à l'échelle de tout le Royaume. Elles reposent sur l'existence d'un exécutif régional qui prend des décisions courageuses, d'une élite homogène consciente des intérêts à la fois régionaux et nationaux, d'une économie régionale dynamique, d'une stratégie à long terme claire et de relations internationales intenses dans le cadre d'une coopération décentralisée intelligente. L'objectif étant de créer des zones de prospérité dans lesquelles la croissance régionale profite d'abord à la région et ensuite à l'ensemble national dans son intégralité. Au Maroc cette idée ne pose pas de problèmes majeurs. Elle est déjà dans la trame du territoire national. Il faudrait juste trouver, et c'est peut-être beaucoup, aussi, les bons ingrédients régionaux, des identités fortes et homogènes, des élus acquis à cette révolution culturelle et en rupture avec les dérives des notables, et des agents d'autorité ouverts et modernes capables de faire cohabiter une aspiration régionale solide et l'intérêt national dans le cadre d'un Etat de droit et des institutions. Il paraît parfois que cette idée est plus avancée dans l'esprit de certains Sahraouis qui rentrent au pays après avoir épuisé, souvent dans le drame et la douleur, toutes les ressources de l'utopie séparatiste que chez certains responsables politiques locaux. Le Maghreb qui, bien entendu, n'a pas besoin d'un micro Etat supplémentaire devrait pouvoir être fort de toutes ses régions qui dans une démarche de convergence, de solidarité et d'émulation pourront créer le cadre humain le plus approprié à une prospérité commune. Moins, ou mieux, d'Etat, plus de Région, plus de démocratie locale et plus d'imagination. La vitalité des régions européennes qui parfois se portent mieux que leurs Etats nous donne un exemple concret de cette évolution que nous souhaitons pour un Maghreb des régions. Comme l'a souligné avec malice Jean Pierre Chevènement, les nations sont des briques nécessaires avec lesquelles on peut construire des ensembles cohérents. Rien ne nous interdit, nous autres, pour gagner du temps que nous n'avons pas, de commencer par mettre en place nos briques régionales en attendant des jours meilleurs pour ce Maghreb aujourd'hui divisé, trahi et humilié. Patience.