Comment allons-nous renaître de nos cendres ? Comment allons-nous dépasser nos souffrances ? Oui, souffrance au pluriel, car aucune ne ressemble à l'autre. Nous pouvons avoir l'illusion que nous avons la même peine, du fait que nous vivons la même menace, mais nos maux et notre manière de les vivre restent très individuels et personnels. Aujourd'hui un épiphénomène asiatique est devenu une réalité planétaire bousculant inexorablement tous nos indicateurs financiers, économiques, culturels, sociaux et humains. Une réalité qui fait table rase de nos prévisions économiques les plus absolues. Une évidence sanitaire qui balaie nos convictions sociales. Aujourd'hui, il faut se résoudre à une seule certitude : il y a un avant coronavirus. Et il y a un après coronavirus. La réalité à prendre en compte aujourd'hui c'est que l'après coronavirus ne se fera pas sans lui. L'intégration à notre génome devient identitaire et se projeter dans un avenir en miroir du passé est inconscient. Le déconfinement et les rituels vacanciers béats nous ont bien démontré comment après 3 mois d'engagement responsable, l'humain pouvait tout balayer en un souffle. Souffle que le virus couronné est prêt à rattraper. Dans cette configuration, ne perdons pas de vue une chose très simple : on sait ce qu'était l'avant. On ignore tout de ce que sera l'après. Reste que l'humanité a toujours eu une mémoire opérationnelle, conditionnée par les peurs héritées du passé, par le poids de l'histoire, par les ravages des guerres, par tous les types de traumatismes, vécus sur des siècles, voire des millénaires. Tout ceci, mis en perspective, nous montre que notre histoire commune modèle et remodèle, en continu, nos forces et nos faiblesses. Elle peut nous donner des indications pour développer des outils de protection ou alors des failles dans une grande fragilité communautaire. Quand on jette un simple regard sur notre longue histoire humaine, on se rend compte que nous avons traversé autant de guerres et autant de périodes de survie. Nous avons accumulé de nombreux traumatismes qui ont franchi les époques, à travers des crises et des catastrophes, donnant, à chaque fois, un autre visage au monde. On en finit avec une variation de ce même monde et on entame une autre, que nous écrivons nous-mêmes. Sauf que cette fois, en sommes-nous capables ? On le sait, depuis que le monde est monde, devant la peur l'Homme et l'animal n'ont que deux choix primaires : la fuite ou le combat. Quel sera notre choix face à cette pandémie ? Quel sera notre avenir? Comment allons-nous l'écrire ? La fuite perpétuelle devant le danger est une réalité manifeste de l'histoire de l'humanité. Sauf qu'aujourd'hui, face à un tel fléau, prévisible du reste, et depuis des années, il n'y a plus de fuite possible. La responsabilité de chacun est engagée. La peur est donc une réaction normale et l'instinct premier de survie en découle, naturellement. Rien n'est moins sûr Cependant, l'homme moderne est-il encore ce même être humain, qui a fait face à des épidémies fatales et des guerres sans merci dans le passé ? Rien n'est moins sûr, non plus. L'humanité a changé en cent ans plus qu'elle ne l'a fait en 1.000 ans. Ce qu'on appelle le progrès scientifique et technologique a été multiplié par cent en un siècle. Cela a façonné l'être humain. Cela a donné corps à une autre forme d'humanité, avec ses faiblesses et ses points forts. Aujourd'hui, ce que nous nommons encore humanité n'est plus qu'un agrégat d'instincts et d'habitus, hérités de manière automatique, dans un monde livré à des fluctuations rapides et des ramifications complexes. Aujourd'hui, la conscience de cette humanité, fruit hybride des grands bouleversements qui ont émaillé l'Histoire, à tous les niveaux, du XXème siècle et du XXIème, est projective. Elle reste une forme de conscience qui compte sur l'après pour vérifier ses appréhensions et ses incertitudes. C'est la perpétuation d'un schéma qui a marché. Pourquoi ne marcherait-il pas, encore une fois, face au coronavirus ? La question a le mérite d'être posée. Quant aux réponses, on essaiera d'en apporter quelques débuts, quelques bribes, qui, mises bout à bout, pourraient nous ouvrir une brèche dans l'inconnu de ce qui se projette. On avance en ajournant le pire. Sauf que le pire finit un jour par arriver. Et nous y sommes de plain-pied.