Les grandes productions américaines retrouvent le chemin du Royaume dont elles se sont détournées dans la foulée de la guerre du Golfe et suite aux attentats de Casablanca. Cette situation a pénalisé de nombreux intervenants nationaux qui vivent principalement de cette industrie. Si tout le monde se réjouit du retour des tournages étrangers, la manne financière injectée dans le circuit local grâce à cette activité continue de baigner, elle, dans une certaine opacité. Après avoir craint le pire, trois bonnes nouvelles, relatives aux super-productions étrangères au Maroc, réchauffent le cœur des professionnels. Sous la menace du bruit des tambours de la guerre en Irak, trois longs-métrages importants, «La guerre de Troie» de Wolfgang Peterson, «Tripoli» de Ridley Scott et «Alexandre le grand» de Baz Lurhman ont plié bagage. Les assureurs ont obligé leurs producteurs à réaliser les prises de vue sous des cieux jugés moins «périlleux». Seul «Alexander» d'Oliver Stone est resté en place. Après un moment de flottement, le producteur allemand de ce film Thomas Schülly a annoncé la première bonne nouvelle en affirmant que le Maroc est «le seul pays à offrir la diversité géographique requise pour sa réalisation». Il sera d'ailleurs présent à Rabat, mercredi 23 juillet, pour s'exprimer sur le sujet lors d'une réception organisée par l'ambassade d'Allemagne au Maroc. La deuxième nouvelle réjouissante est tombée lundi dernier. Sa Majesté le Roi Mohammed VI a en effet reçu, au Palais Royal de Rabat, le grand réalisateur Ridley Scott, accompagné de son producteur, Branko Lustig. Le réalisateur américain a annoncé à Sa Majesté le Roi son intention de tourner au Maroc un film qui portera sur la période œcuménique du règne de Salah Eddine Al Ayoubi. Ridley Scott a qualifié cet entretien de «déterminant» pour le processus du tournage du «Royaume du Paradis», produit par la 20th Century Fox. Ce film serait tourné en grande partie dans la partie historique d'Essaouira – celle-là même qui est entourée par les remparts. Une autre partie serait tournée à proximité d'Ouarzazate. Selon une source proche du dossier, si le tournage se confirme, des bureaux seront ouverts au Maroc à la mi-septembre et les prises de vue débuteront en janvier 2004. La troisième nouvelle réjouissante est enveloppée de secret. Une superbe production des studios Paramount serait également imminente au Maroc. Les premiers repérages du film «Sahara» ont effectivement eu lieu, il y a dix jours, au Royaume. Le budget de ce film demeure toutefois inconnu, en revanche celui du film de Ridley Scott est faramineux : entre 170 et 180 millions dollars. Le budget d' «Alexander» d'Oliver Stone est de 150 millions dollars. Lorsqu'on annonce les budgets de ces films, de nombreuses personnes pensent qu'une grande partie reste au Maroc. «Près de 10% du budget d'un film profite aux Marocains», dit Karim Abou Obayd, prestataire de service d' «Alexander» d'Oliver Stone. Selon le producteur marocain Fouad Chella, «La chute du faucon noir» de Ridley Scott détient le record à cet égard. Dix millions de dollars ont été dépensés au Royaume. Fouad Chella estime que cette somme est «extraordinaire», compte tenu des charges innombrables qui accompagnent la réalisation d'un film. «Lorsque la prime d'un acteur comme Russel Crow s'élève à 30 millions dollars, vous pouvez imaginer la lourdeur des dépenses dans un film». En plus, le Maroc prête seulement ses décors naturels. Toutes les scènes tournées en studio s'effectuent ailleurs, et particulièrement en Angleterre. Les tournages en studio absorbent une part non négligeable du budget global d'un film. Il existe pourtant des studios professionnels au Maroc : Cinédina. Selon des professionnels marocains, le fait que ces studios soient situés près de Casablanca dissuade les réalisateurs étrangers qui chercheraient des locaux à proximité d'Ouarzazate. En fait, il existe une deuxième raison plus convaincante de la disposition des producteurs étrangers à favoriser les studios Pinewood en Angleterre. «Le gouvernement anglais accorde une subvention qui s'élève à 20% du budget global d'un film si son producteur s'engage à dépenser 30% de ce budget en Angleterre», nous explique Fouad Chella. Il est aisé de comprendre alors que les producteurs atteignent le seuil des 30% par le biais des tournages en studio. Le gouvernement anglais impose de surcroît, dans le contrat, deux britanniques pour des stages non rémunérés. Des techniciens locaux sont formés de la sorte. En revanche, les tournages étrangers au Maroc profitent peu à l'industrie cinématographique de notre pays. L'on comprend que les producteurs étrangers aient d'autres soucis que de former des Marocains, mais on peut rêver à l'instruction que peuvent recevoir les Marocains de réalisateurs comme Oliver Stone ou Ridley Scott. Pour le reste, l'argent des productions étrangères profite surtout à la figuration, l'hôtellerie, l'artisanat, les agences de location de voitures, les constructeurs de chantiers, les costumiers et les artisans. Nombre de petits métiers à Ouarzazate ou Erfoud sont prospères grâce aux tournages de films. Le meilleur bénéfice que tire le Maroc de ces films demeure toutefois la promotion positive de son image à l'étranger. Un film tourné au Maroc, récompensé par un Oscar, est un vecteur de rayonnement du Royaume plus important que toutes les campagnes publicitaires. Personne ne peut nier cette réalité, mais comme il aurait été souhaitable que cette promotion s'accompagne de la naissance d'une véritable industrie cinématographique dans le pays.