Les Etats-Unis devaient déposer mercredi au Conseil de sécurité de l'ONU un projet de résolution modifié pour la levée des sanctions contre l'Irak. A New York comme à Bagdad, les stratèges américains semblent piétiner. En Irak, l'Administration américaine dirigée par Paul Bremer ne semble pas plus efficace que celle de son prédécesseur Jay Garner. Chaque jour, les manifestations en tout genre se déroulent à Baghdad comme au nord, notamment Kirkouk, et au sud. Ce mercredi encore, c'était au tour d'officiers de police irakiens de protester contre leurs conditions de travail et le manque de sécurité toujours flagrant dans la capitale. Le nouvel administrateur en chef a pourtant mis en place une nouvelle police militaire qui a commencé lundi ses premières opérations. Sans apporter de grand changement. Sur le plan politique, les Etats-Unis semblent également se montrer plus prudents devant la mise en place d'un gouvernement irakien. Ils ont préféré repousser la tenue du Congrès national prévu à cet effet fin mai, de deux mois. «Nous poursuivons un dialogue actif avec les dirigeants irakiens; nous les rencontrons tous les jours», a déclaré M. Bremer mercredi. Son équipe estime avoir besoin de plus de temps pour accorder les positions des différentes factions du pays, des ex-exilés en passant par les Chiites au sud et les Kurdes au nord. La plupart d'entre elles s'entendent tout de même sur un point : c'est aux Irakiens de gérer l'Irak ! C'est ce que les membres du « noyau dur » à la base du futur exécutif ont répété vendredi dernier à l'administrateur en chef. Près de 40 jours après la chute de Baghdad, la stratégie américaine en Irak s'orienterait donc vers un échec total ! Une défaite que le secrétaire d'Etat américain à la Défense explique par l'ampleur de la « criminalité, la fragilité des infrastructures et la division des forces politiques irakiennes ». «On ne pouvait pas savoir comment ça finirait», a confié Donald Rumsfeld au New York Times de lundi. Que reste-t-il du plan d'après-guerre du Pentagone ? Ni la sécurité, ni l'industrie pétrolière, ni les infrastructures vitales n'ont été rétablies alors qu'elles faisaient partie des « priorités ». C'est sans doute pour éviter un fiasco complet que les Etats-Unis se sont préparés à un compromis au Conseil de sécurité de l'ONU. Ils comptaient présenter un nouveau texte mercredi, le quatrième en une semaine de débats, en espérant pouvoir le soumettre au vote aujourd'hui « au plus tôt ». Ce document de 12 pages, rédigé avec la Grande-Bretagne et l'Espagne, a été largement amendé, notamment sur les questions de « responsabilité des forces d'occupation » et du « rôle de l'ONU ». Il prévoit que le représentant de l'Irak « collaborera » - et non plus « aidera » - à la formation d'un gouvernement provisoire en Irak. Le texte stipule aussi que le programme de l'ONU « pétrole contre nourriture » sera progressivement annulé sur une période de six mois, et non quatre comme initialement prévu. Si les Etats-Unis comptent garder autorité sur l'Irak, il est précisé que ce contrôle se terminera dès que le gouvernement sera internationalement reconnu. Au départ, les Américains entendaient rester douze mois en Irak. Washington a également accepté de « revoir le mandat » des experts en désarmement de l'ONU. La France, l'Allemagne et la Russie avaient fait valoir qu'il fallait que ces inspecteurs certifient formellement le désarmement de l'Irak avant que les sanctions qui frappent l'Irak puissent être levées. En attendant que le pays se dote de dirigeants, Washington gardera cependant le contrôle sur l'économie irakienne, avec des pouvoirs relativement vastes sur l'utilisation des revenus du pétrole pour la reconstruction nationale. Cette résolution sans précédent finira-t-elle pas être adoptée ? La volonté américaine de rechercher le compromis devrait être récompensée. La seule véritable question était en effet mercredi de savoir si la France, fer de lance de l'opposition à la guerre en Irak, approuvera la résolution ou se contentera de s'abstenir. Paris s'inquiète encore du flou autour de la durée de la période de transition qui laisse donc les mains libres aux Etats-Unis…