A partir de ce lundi, les Etats-Unis entendent convaincre le Conseil de sécurité sur leur projet d'ultimatum lancé à l'Irak et fixé au 17 mars. Une résolution qui divise toujours l'ONU, mais aussi la Grande-Bretagne. Lundi, le dossier irakien devait à nouveau être abordé au Conseil de sécurité sur fond de divisions et de blocages entre les membres de l'instance onusienne. Vendredi dernier, le bloc formé par Washington, Londres et Madrid avait annoncé son intention de soumettre au vote son projet de seconde résolution fixant au 17 mars un ultimatum à Bagdad. Date butoir à laquelle l'Irak devra prouver son désarmement complet. Opposé à cette idée, l'autre camp conduit par la France, l'Allemagne, la Russie et la Chine, avai,t au contraire, plaidé pour une poursuite des inspections. Loin de s'acheminer vers un compromis, les membres du Conseil devaient se pencher, lundi, sur la date du vote du projet américain proposé par le secrétaire d'Etat, Colin Powell, vendredi. Ce jour-là, le chef des inspections en désarmement, le Suédois Hans Blix, avait pourtant présenté un rapport favorable après une semaine d'intenses collaborations entre ses services et le régime irakien. La France a d'ailleurs déjà rétorqué, par le biais de son chef de la diplomatie, qu'elle «ne pouvait accepter un ultimatum dès lors que les inspecteurs font état de progrès». Dominique de Villepin devait entamer, dimanche soir, une tournée africaine sur la question pour consulter les membres non permanents du Conseil : l'Angola, la Guinée et le Cameroun. Samedi, la Russie a, elle aussi, réaffirmé sa position, se déclarant une nouvelle fois prête à empêcher «par tous les moyens» l'adoption d'une seconde résolution. Le ministre russe des Affaires étrangères, Igor Ivanov, a également mis en garde Washington contre toute action unilatérale en Irak, estimant qu'elle constituerait « une violation de la Charte de l'ONU ». Le troisième membre permanent du Conseil, la Chine, a pour sa part répété dimanche que « la communauté internationale devait prendre autant de temps que nécessaire » pour éviter une guerre. Lors d'un entretien téléphonique avec le chef du gouvernement britannique, le président Jiang Zemin a estimé que « la guerre ne profitait à personne » et que des « progrès » avaient été enregistrés dans le cadre des inspections qu'il est « nécessaire de poursuivre et de renforcer ». Si la menace de guerre se précise, il est en tout cas certain que les conséquences d'un tel conflit dépassent de loin les frontières du Proche-Orient. Et le chef du gouvernement espagnol, José Maria Aznar, comme son homologue britannique sont parmi les premiers à en faire les frais. Contestés par leur opinion publique, ils ont soulevé l'opposition des socialistes, pour l'Espagne, et des conservateurs, pour l'Angleterre, mais aussi leur propre camp ! Selon le journal dominical Sunday Telegraph, Tony Blair essuierait même actuellement une véritable fronde au sein des travaillistes. Cinq de ses députés se sont déclarés démissionnaires si leur leader décidait de passer outre les décisions de l'ONU. «A un certain point, il faut préciser ce qui est bon ou mauvais. Il s'agit de faire respecter l'autorité des Nations unies», a déclaré l'un d'entre eux, Michael Jabez Foster, membre du cabinet du ministre de la Justice, Lord Goldsmith. Dans un tel contexte de tensions et de divisions, Bagdad a, pour sa part, poursuivi dimanche la destruction de ses missiles prohibés Al-Samoud 2. Samedi, les Irakiens avaient détruit six de ces engins ainsi que trois ogives sous la supervision de l'ONU. Ces destructions ont porté à 40 le nombre des Al-Samoud 2 éliminés depuis le 1er mars. Selon le porte-parole des inspecteurs, Hiro Ueki, les experts ont par ailleurs interviewé « en privé un scientifique irakien impliqué dans les anciens programmes d'armement », le huitième entretien du genre depuis fin février. Une coopération manifeste qui n'a pas empêché la poursuite des préparatifs militaires dans la région du Golfe, où plus de 240.000 soldats américains sont désormais déployés. La Mission d'observation de l'ONU pour l'Irak et le Koweït (MONUIK) a même évacué dimanche son personnel civil stationné le long de la frontière entre les deux pays. Elle avait augmenté d'un degré son niveau d'alerte samedi à trois (sur cinq) après l'annonce du projet d'ultimatum américain, et quelques jours après la découverte de trois trous dans le grillage (long de près de 200 km) marquant la frontière entre le Koweït et l'Irak. Selon les agents onusiens, ce sont les Marines américains qui ont ouvert des brèches dans la clôture, là aussi, en violation flagrante des prérogatives de l'instance internationale.