Après « La guerre de Troie », le tournage d'une autre superproduction n'aura pas lieu au Maroc. Les assureurs ont obligé Ridley Scott à choisir un autre pays pour le tournage du film « Tripoli ». L'effet boule-de-neige des annulations de tournages de films se confirme, mettant en péril plusieurs petits métiers qui vivent grâce aux productions étrangères. On craint le pire pour le tournage des films étrangers dans notre pays. Abdelkader Hallaoui, chef de la division de la production au CCM, précise qu'une seule production a décidé de changer le lieu de tournage jusque-là : « La guerre de Troie ». La société de production Warner Bros avait ouvert un bureau dans la ville d'Essaouira, mais elle a plié bagage sous la menace du bruit des tambours de la guerre en Irak. La raison de ce départ tient moins, selon Abdelkader Hallaoui, à des raisons de sécurité qu'aux assurances américaines qui considèrent le Maroc comme «un pays à risque ». Les sociétés de production ne peuvent pas tourner au Maroc sans trouver d'assureurs. C'est dans ce sens que les craintes au sujet du départ d'autres productions sont réelles. L'effet contagieux du déplacement de le «La guerre de Troie» commence en effet à opérer. Une dépêche de l'agence Europa Press, tombée le 25 février, rapporte que le tournage d'un autre film prévu initialement au Maroc va se dérouler dans un autre pays. Il s'agit de «Tripoli», au budget de 120 millions de dollars et où Russel Crow tient le rôle principal. Son réalisateur Ridley Scott, qui connaît bien notre pays, s'est pourtant opposé à l'annulation du tournage au Maroc, mais la société de production n'a rien voulu savoir, parce que le coût de l'assurance a considérablement augmenté en raison des craintes de représailles relatives à la guerre en Irak. L'effet boule-de-neige fait craindre le pire quant à d'autres superproductions annoncées en grande pompe au Maroc. La plus importante de toutes se démarque par le deuxième plus grand budget réservé à la réalisation d'un film dans l'histoire du cinéma mondial. Un budget de 150 millions de dollars, a été dans ce sens, annoncé pour le tournage de «Alexandre le Grand», prévu en 2004. Les studios de Ouarzazate, dont le coup de pioche a été donné à l'occasion de la deuxième édition du Festival International du Film de Marrakech, et qui devraient s'étendre sur une superficie de 200 hectares, ont été conçus pour des tournages de cette taille. L'annulation de ce film pourrait retarder le commencement des travaux de construction. La production d'un deuxième film sur Alexandre le Grand est également prévue au mois de septembre 2003 au Maroc. Produit par Sarim Fassi-Fihri et réalisé par Oliver Stone, le tournage de ce long-métrage est suspendu dans l'attente des suites de la guerre. « Les assureurs américains ne veulent pas entendre parler du Maroc », nous dit Sarim Fassi-Fihri. Ce dernier ajoute que le Maroc, comme d'autres pays, va devoir payer son tribut à la guerre, aussi bien du point de vue de l'industrie cinématographique que du tourisme. Il déplore, dans ce sens, le manque de communication du CCM au sujet des tournages des productions étrangères. «À partir du moment où les gens ne communiquent pas, cela veut dire que le risque est réel », dit-il. D'autre part, près du tiers du budget des productions étrangères est investi au Maroc, selon Abdelkader Hallaoui. Et c'est à ce niveau-là que les conséquences de ces annulations successives sont dommageables aux corps des métiers qui vivent des tournages de films étrangers. La figuration, l'hôtellerie, les agences de location de voiture, les constructeurs de chantiers, les costumiers, les artisans. Nombre de petits métiers à Ouarzazate ou Erfoud sont prospères grâce aux tournages de films. On se souvient, à cet égard, que la personne qui a été récompensée par le César de la meilleure création de costumes dans le film «Astérix» a rendu publiquement hommage à la dextérité des couturiers marocains. En plus, tout ce qui touche la régie - en particulier la nourriture et les boissons - profite à des sociétés marocaines. Sans compter les retombées médiatiques positives sur notre pays. «Quand un tournage important a lieu au Maroc, les télévisions du monde entier en suivent l'évolution. En parlant de ce film, elles font aussi la promotion de l'image du Maroc», nous dit le cinéaste et producteur Abdelhaï Laraki. Personne ne peut nier l'importance d'un film percutant dans la promotion d'un lieu. Casablanca est connue dans le monde grâce à un film qui n'a même pas été tourné dans cette ville. Il ne faudrait pas trop compter sur un autre film, dont le tournage s'effectue en dehors de nos frontières, et qui réussisse à doter un lieu du Royaume d'une mémoire mythique. Il faut plutôt conjurer le sort pour que la guerre n'ait pas lieu.