Pour venger une fille de leur quartier qui s'était fait malmener par des voyous de derb Gnawa, des jeunes de derb Bousbir se sont armés de couteaux, d'épées et de pierres pour provoquer une véritable bataille qui a mis en émoi l'ancienne médina de Casablanca. En ce 17 février, les rues de l'ancienne médina de Casablanca étaient en effervescence. On était à la veille de l'Achoura. Le commerce des jouets pour enfants battait son plein. Les mamans tenaient leurs enfants qui traînaient derrière elles et passaient d'un commerce à l'autre et d'un marchand ambulant à l'autre en quête d'un jouet pas trop cher. Ici, le jour est comme la nuit en ces jours qui précèdent Achoura. Il semble que personne ne dort tôt la nuit et qu'elle ne regagne que tardivement son lit. Il était un peu plus de 20h30. Les enfants couraient encore à droite et à gauche, les hommes étaient attablés dans des cafés ou se tenaient devant les maisons des derbs et discutaient. Les femmes s'approvisionnaient encore chez les commerçants, les filles se baladaient aux alentours de leurs quartiers sans la moindre crainte et des jeunes causaient à l'entrée des ruelles ou sirotaient des consommations dans des cafés. Quelques-uns d'entre eux fumaient des cigarettes fourrées de haschich et d'autres picolaient en bavardant sans vergogne. Vers 21h, une jeune fille, bien maquillée, vêtue d'un bleu jean's, d'un tricot en coton et d'un blouson, est passée juste devant quelques jeunes qui se tenaient à l'entrée de derb Gnawa, donnant sur la rue des Chleuhs. Ils fumaient des joints quand ils ont remarqué cette belle silhouette qui marchait à pas lents, sans crainte. D'abord, elle n'a jamais craint personne puisqu'elle se sent dans son fief, pas loin de sa demeure située dans l'une des ruelles exiguës de la rue Tafilalet, connue communément sous le nom de Bousbir. Harcelée par l'un des jeunes de Derb Jnaoua, la jeune fille s'est révoltée contre lui sans prendre en considération la présence de ses amis. Se sentant humiliés par cette fille arrogante qui croit pouvoir les défier, les jeunes se sont sentis humiliés. Comment a-t-elle osé les insulter?, se disent les quelques jeunes qui sont restés bouche-bée. En s'avançant vers elle, l'un des jeunes l'a giflée violemment. La jeune fille a lancé un cri strident avant de les injurier avec des mots obscènes et de poursuivre son chemin. En pleurant, elle a traversé Bab Jdid, puis la place Ouezzane avant d'arriver dans son quartier, Bousbir. Les jeunes qui bavardaient à Derb Gnawa ont repris leurs conversations comme si de rien ne s'était passé. Ils pensaient que la jeune fille qui avait reçu la gifle avait tourné la page sans rancune. Loin de là. Quand elle est arrivée dans son quartier, elle s'est plainte à un jeune toxicomane. Ce dernier n'a pas cru ses oreilles. Comment un jeune de Derb Gnawa s'est-il permis de frapper l'un de ses voisines ? C'est une honte pour les jeunes du quartier qu'elle soit giflée sans que l'on réagisse et qu'on éduque le voyou, pour lui apprendre à respecter les filles de Bousbir, pense-t-il. Aussitôt, il a incité ses amis, des voyous du quartier Bousbir, à attaquer ceux de Derb Gnawa. Armés de couteaux, d'épées, de pierres et de bouteilles vides, ils se sont rassemblés comme s'ils se préparaient à une guerre. En recevant ses instructions pour attaquer les ennemis, les jeunes de sa bande lui affirment qu'ils sont prêts à «rééduquer» les jeunes de Derb Gnawa, qui se croient plus forts, au point qu'ils s'attaquent à une fille. Une vingtaine de jeunes, des toxicomanes, des chômeurs bien baraqués, se sont dirigés à pied vers Derb Gnawa. Les riverains qui ont croisé leur chemin n'ont rien compris. Craignant d'être blessés par une arme blanche, ils couraient pour rentrer chez eux. Les commerces fermaient leurs portes et les marchands ambulants ramassaient leurs biens ou conduisaient à la hâte leurs charrettes pour fuir une guerre certaine. Une fois arrivés à Derb El Bir, à quelques mètres de Derb Gnawa, les jeunes de Bousbir se sont trouvés devant les protagonistes qui ont violenté la fille. Et c'est la guerre ! Les coups de couteaux, d'épées et les jets de pierres et de bouteilles vides fusaient de partout et sans objectifs apparents. Une bataille sans pitié entre les protagonistes a touché les commerçants qui n'ont pas fermé leurs portes, les détaillants de cigarettes et les marchands ambulants qui sont restés. Des dégâts matériels ont été déplorés. Alertés, les éléments de la Brigade urbaine de la police judiciaire de Casablanca-Anfa se sont dépêchés sur les lieux pour maîtriser la situation. Mais, apparemment, ils ont semblé avoir été quelque peu dépassés par les événements, cela avant l'arrivée en renfort des éléments des Groupes urbains de sécurité (GUS). Et malgré la résistance des deux protagonistes qui ne voulaient pas arrêter, les policiers n'ont ménagé aucun effort pour calmer les tension et les obliger à poser leurs armes. Avant de retourner à leurs tâches routinières, les policiers sont arrivés à mettre la main sur deux voyous, membres de l'une des deux bandes. Un troisième a été arrêté le vendredi 18 février et le quatrième le 21 courant. Une liste d'une dizaine de voyous, qui sont encore en fuite, a été dressée par les limiers qui semblent n'avoir pas l'intention de les laisser vagabonder d'ici la fin de la semaine.