Abdellah Oualladi, président de l'Organisation marocaine des droits de l'Homme, estime que Driss Basri cherche à se désengager de sa responsabilité dans la répression des années de plombs. Entretien. ALM : Dans une interview accordée, le 10 février au “Figaro”, Driss Basri a nié catégoriquement l'existence d'une «politique de répression systématique de l'opposition» au Maroc durant les dernières décennies. Qu'en pensez-vous ? Abdellah Oualladi : Pour répond-re à ce genre de propos qui émane d'un homme comme Driss Basri, il n'y a qu'à recourir à ces milliers de personnes qui ont été victimes des répressions tout au long des années de plomb. Vous pouvez prendre comme témoins tous ceux qui ont subi un tas d'injustices, que ce soit sur le plan des procès judiciaires, des restrictions de la liberté d'expression et d'opinion ou encore sur le plan des interventions des forces de sécurité. Tous ces gens, qui ont souffert physiquement et psychiquement, vous diront que ce n'est pas vrai. Nous avons vécu ces années de plomb et nous pouvons donc dire que la répression était systématique. Il n'y avait pas d'exception. Tous les démocrates étaient mis dans le même sac. Ils ont été victimes des mêmes violations des droits de l'Homme des mains des mêmes bourreaux. Que ressentez-vous face à de tels propos émanant de quelqu'un que beaucoup pointent du doigt dans des affaires de violation des droits de l'Homme ? Driss Basri est un homme qui vit en marge de l'Histoire. C'est un homme qui n'a aucun autre moyen pour camoufler la déplorable situation qu'il vit actuellement ainsi que la manière dont il était l'exécuteur d'une politique de répression à grande échelle. C'est pour ces raisons qu'il profère toutes les bêtises et les contrevérités. Ce qui est encore plus grave est que cet homme croit que c'est de la sorte qu'il va se protéger et se mettre à l'abri de poursuites judiciaire vu son action à la tête du système répressif durant de nombreuses années. C'est à mon avis quelqu'un qui a beaucoup nui à la chose publique au Maroc pendant des décennies. Il est clair que tant qu'il n'y aura pas de poursuites judiciaires à son encontre, qui pourraient l'obliger à rendre des comptes, il continuera sur la même voie. Mais, vous savez, Basri est actuellement un homme dépassé par ce qui se passe autour de lui. C'est quelqu'un qui n'arrive pas à digérer que le Maroc se soit passé de ses services. Qu'il ait déclaré que la répression n'était pas systématique n'engage que lui. La vérité se trouve ailleurs, sur les écrans de télévision, sur les colonnes de la presse nationale et internationale. Justement, concernant les auditions publiques des victimes des années de plomb initiées par l'Instance Equité et Réconciliation, Driss Basri estime que ce n'est qu'"une opération de marketing". C'est lui qui le dit. Qu'il se rappelle qu'il a fait beaucoup de marketing politique et qu'il se taise, lui qui est un champion de la démagogie. Il ne peut tout de même pas dire le contraire de ce qu'il a fait pendant de longues années. Que lui répondez-vous lorsqu'il déclare que «le régime de Hassan II se défendait légitimement contre les menaces de déstabilisation» ? Ce ne sont là que des arguments qu'on pourrait utiliser contre lui. Je ne voudrais pas entrer dans ce genre de magouilles politiciennes dont il était le champion. Mais il est clair qu'il ne possède pas les moyens de faire autre chose que de véhiculer des commérages et des mensonges. Que cherche-t-il à prouver à travers ces différentes sorties médiatiques, selon vous ? Basri n'a pas le courage de venir s'exprimer sur un journal marocain. Toutes ces sorties médiatiques étaient sur des chaînes de télévision, des stations de radio ou des journaux étrangers. Basri n'a pas osé parler au peuple marocain de l'intérieur. Qu'il vienne au Maroc et qu'il dise ce qu'il a envie de dire clairement. Qu'il ait le courage d'assumer la responsabilité des atrocités dont il était le responsable. Qu'il fasse comme ces bourreaux qui vivent au Maroc, y font de la politique, et qui se défendent publiquement et même devant les tribunaux. Il est clair que ce petit jeu de déclarations médiatiques cache une vérité que Basri n'a pas intérêt à faire connaître.