L'essentiel de la mouture de la Loi de Finances a été préparé par l'ancienne équipe gouvernementale. Par nombre d'aspects, la continuité dans la «discipline» budgétaire est assurée. Certains détracteurs du nouveau gouvernement y voient une orthodoxie qui limite les ambitions de l'équipe Jettou. Le Budget de l'Etat pour 2003 est intervenu dans une conjoncture politique particulière. A peine les nouvelles instances exécutives installées, le nouveau gouvernement a remis sa copie. Le projet initial a été confectionné par l'équipe Youssoufi. Aussi, au lendemain de la formation du gouvernement Jettou, le 7 octobre 2002, la classe politique était encore sous le choc des effets nouveaux mis en pratique, suite à la non-reconduction d'Abderrahmane Youssoufi à la tête de l'Exécutif. Le 11 octobre, SM le Roi Mohammed VI procède à l'ouverture de la nouvelle législature par un discours d'orientation générale, qui fixe les nouvelles priorités du pays. Le projet de loi de Finances pour 2003 devra subir quelques modifications techniques, liées à la structure et au nouvel organigramme du Cabinet Jettou. Mais l'essentiel des orientations n'est pas touché. Seulement quelques retouches et de petites modifications seront introduites qui n'auront pas d'incidences majeures sur la portée des orientations budgétaires. De toute façon, la question se ramène au budget d'une famille qu'il faudra gérer en termes de dépenses et de recettes, les unes comme les autres devrant générer des valeurs ajoutées en termes de croissance, de déficit budgétaire, de réduction de la dette et de relance économique et sociale. Le nouveau gouvernement, obéissant aux lois de la transition et de la donne « technocratique », n'était pas en mesure de revoir la copie Oualalou confectionnée dans l'optique de la reconduction de l'ex-Premier ministre, était pris de court pour revoir de fond en comble le projet. Pas seulement par manque de temps eu égard aux délais constitutionnels. La meilleure poule ne peut donner que ce qu'elle a. Plus, depuis l'avènement de l'alternance, Fathallah Oualalou, lors de son premier Budget, avait pris le soin de parler d'une « loi de Finances transitoire », promettant d'en changer la philosophie et les principes. Progressivement. La difficulté du changement vient du fait que le pays produit peu face à des déficits et de contraintes macro-économiques énormes. D'abord, il y a le poids de l'endettement du pays qui reste lourd et handicape bien des projets de développement. 41,8 MD de DH sur les 140 MD de DH que comporte le Budget général seront consacrés, dans le cadre de cet exercice, à la résorption de la dette. Soit 10,6% de moins qu'en 2002. Des progrès ont été réalisés depuis 1998, mais les pesanteurs sont toujours là, étouffantes, surtout que la machine productive n'est pas performante. Il en découle une seconde contrainte : les recettes de l'Etat. La collecte des organismes étatiques serait de l'ordre de 137 milliards de dirhams, selon les projections du ministère, auxquels il faudra ajouter quelque 35 milliards de DH provenant l'apport extérieur (prêts, dons et legs) et le produit de la privatisation estimé à 12,5 milliards de DH (projection faite sur le montant obtenu en 2002). Dans le chapitre recette, la fiscalité obtient la part du lion : 82,36 MD de DH (+ 3,29% par rapport à 2002). Il s'ensuit une projection de déficit du Trésor qui tournerait autour de 3% du PIB. Un taux qui pourrait favoriser une meilleure maîtrise des finances publiques. De quelque côté que l'on tourne, les aspirations sont immenses et les moyens sont en dessous de la moyenne. Même si les investissements publics, véritables créateurs de richesses et générateurs d'emplois productifs, ont connu une nette augmentation par rapport à l'exercice 2002. 63,970 milliards de dirhams (organismes étatiques compris), dont presque 20 milliards de DH proviennent du Budget. Les obligations de résultats paraissent à portée de main à condition que les chantiers soient menés jusqu'au bout. Et rationnellement. La lutte contre la pauvreté et l'amélioration des conditions sociales (monde rural et ses problèmes, santé, etc.) Mais, il faudra s'armer de volonté de rechercher les énormes économies à réaliser. Surtout au niveau des modes de fonctionnement du gouvernement. Cela passe par la réforme de l'administration et de la fonction publique et donc de la révision du système des salaires et des indemnités. Cela fait partie des intentions de l'actuel Premier ministre, mais la budgétisation s'est faite sur les acquis du passé. Dans le même cadre, il faudra relever le fait que l'Etat achète beaucoup plus cher que le privé. Le manque de normes fait que le Trésor reste prisonnier des propres procédures gouvernementales qui font que les centres d'achat des administrations ne sont pas diversifiés. Autre incohérence du Budget : il n'est pas normal que des activités agricoles florissantes et génératrices de profits gigantesques ne soient pas soumises à l'impôt agricole. C'est d'abord une question d'éthique citoyenne et de conformité avec l'égalité, en droits et devoirs, contenu dans la Constitution. Surtout que l'IGR continue à greffer drastiquement les revenus des salariés et que la situation des PME, l'assise fondamentale du tissu économique, ne jouit pas de privilèges particuliers. C'est dire que la véritable relance économique, sur des bases réellement nouvelles, reste encore à construire. En attendant, il faudra, coûte que coûte, faire un mieux. En dépit de la conjoncture internationale, qui peut évoluer dans le sens du marasme.