Farewell-Vetrov est, sans nul doute, l'une des taupes les plus importantes jamais recrutées par l'Ouest au sein du SR soviétique. Son recrutement est un succès des services français qui restera dans les annales de l'Histoire des services. Le 27 mai 1981, un mercredi, François Mitterrand n'est à l'Élysée que depuis six jours quand Gaston Defferre l'informe qu'il vient d'apprendre du directeur de la DST l'existence d'une taupe française à Moscou. Identifié sous le nom de code de Farewell, cet agent fournit régulièrement au contre-espionnage français des renseignements de haute importance en provenance directe du KGB. Farewell, en réalité, n'est autre que le lieutenant-colonel Vladimir Ippolitovitch Vetrov, employé à la Direction T (renseignement scientifique et technique) du KGB. Ayant étudié le français, qu'il possède en langue principale (première langue étrangère parlée par un officier des services de renseignements soviétiques), Vetrov a été en poste en France de 1965 à 1971 ; il y a d'ailleurs été approché par la DST et les rapports établis notent sa francophilie. Ce qui ne l'empêche pas, sous sa couverture de spécialiste en électronique à la représentation commerciale de l'URSS, de faire son travail et de recruter des agents. Comme Pierre, Bourdiol, ingénieur chez Thomson-CSF, travaillant sur le projet Ariane (démasqué, il sera condamné à cinq ans de réclusion criminelle, le 16 juin1987, par la cour d'assises de Paris). Rappelé à Moscou avant qu'une manipulation n'ait pu s'engager, Vetrov ne sera plus jamais désigné pour un poste étranger, mis à part un bref séjour au Canada, en raison de problèmes personnels qui restent obscurs. Il commence alors à ressasser une véritable haine pour le KGB. C'est au début des années 80 qu'il passera le pas et remettra à un ami français travaillant à Moscou une lettre destinée, à la DST. Après quelques hésitations, le contre-espionnage français décide rapidement de poursuivre ce contact, par l'intermédiaire de l'ami français de Vetrov (qui recevra la Légion d'honneur en récompense des risques courus). Selon Gordievsky, Vetrov a "fait montre d'une incroyable témérité : il avait sorti du Premier Directorat général des dossiers entiers ou des chemises bourrées de pièces qu'il avait photographiés chez lui avant de faire passer les bobines aux Français. Il avait transmis à l'Ouest un véritable monceau de documents"). D'après T'hienrry Wolton qui, le premier, a révélé au monde l'existence de Farewell, du printemps 1981 à l'automne 1982, Vetrov ne livrera pas moins de 40 000 documents très secrets à Paris. Farewell-Vetrov est, sans nul doute, l'une des taupes les plus importantes jamais recrutées par l'Ouest au sein du SR soviétique. Outre les services inestimables rendus au renseignement occidental, il permettra également à François Mitterrand de rassurer les alliés américains de la France : le 19 juillet 1981, au sommet des sept pays les plus industrialisés à Ottawa, le président de la République annonce à Ronald Reagan l'existence de la taupe. Mieux : il promet que la France transmettra à Washington tout ce que Farewell communiquera sur le renseignement soviétique aux États-Unis. "Épaté, Reagan s'exclame ; C'est le plus gros poisson de ce genre depuis 1945 ". Le 11 janvier 1983, François Mitterrand apprend par le quai d'Orsay que depuis 1976, un dispositif électronique intégré au télex de l'ambassade de France à Moscou permet au KGB d'intercepter toutes communications entre l'ambassade et Paris. Colère froide du président qui décide d'expulser des agents soviétiques résidant en France. Il faut donc en établir une liste : "Ce Que fournit Farewell, n'est, de ce point de vue, pas inutile". Et deux mois et demi plus tard, en date du 4 avril 1983, Jacques Attali peut inscrire dans ses carnets :"Le compte est bon : expulsion demain de quarante-sept ressortissants soviétiques accusés d'espionnage, et de leurs familles. Les informations de Farewell ont permis d'établir une liste exhaustive, précise, indiscutable".