Une pluie de roquettes a frappé hier l'hôtel Ar-Rachid, à Bagdad, tuant un soldat américain et blessant plusieurs autres. Le secrétaire adjoint à la défense Paul Wolfowitz a lui-même failli y passer. Auparavant, la résistance irakienne a abattu un hélicoptère américain. Après la guerre, la guérilla. Les forces de l'oncle Sam s'enlisent, avec la crainte d'un deuxième Vietnam. En tout cas, le syndrome est bien là. Après deux heures d'incertitude sur le sort et la localisation du secrétaire adjoint à la Défense, Paul Wolfowitz en personne, qui se trouvait dans l'hôtel au moment de l'attentat,a tenu une conférence de presse, visiblement secoué mais indemne. Celui qui est l'un des principaux architectes de la guerre en Irak a affirmé que l'Administration Bush ne se laisserait pas détourner de sa mission. L'attaque audacieuse s'est déroulée quasiment au nez et à la barbe des forces de sécurité. Elle intervient au-lendemain de la destruction d'un hélicoptère de l'armée américain. Les activistes irakiens sont venus installer leur armement à quelques mètres de l'hôtel ciblé avant de déclencher à distance la rafale de tirs. Wolfowitz a reconnu que le danger persisterait en Irak « tant que les criminels seraient en mesure d'organiser des attaques éclair ». Malgré les attaques incessantes, les forces de la coalition sont en train de réussir leur mission », a-t-il affirmé, même si « des criminels tentent de déstabiliser le pays ». Pour lui, il s'agit de « quelques uns qui refusent d'accepter la réalité d'un Irak nouveau et libre. Nous sommes en train de terminer le travail malgré les agissements désespérés d'un régime de criminels agonisant ». La façade de l'hôtel de 17 étages était percée de plus d'une demi-douzaine d'impacts ; les vitres d'une vingtaine de chambres étaient brisées. Juste après l'attaque, des dizaines de responsables américains ont fui l'hôtel en pyjama,évacués vers un centre des congrès voisin. Les attaques semblent suivre Wolfowitz à la trace. Vendredi, quelques heures après son départ de Takrit, au nord, pour Kirkouk, un hélicoptère Black Hawk s'écrasait non loin de là, touché par des tirs de roquettes RPG. En fait, la situation ne cesse de se dégrader sur le terrain, au point de pousser des soldats à la désertion, voire au suicide : pour ses opération en Irak, le Pentagone dépêche une nouvelle équipe d'un genre particulier : des psychologues, des psychiatres, des travailleurs sociaux ainsi que le chef du programme militaire de prévention des suicides. «USA Today» relate que «durant les sept derniers mois, au moins onze soldats et trois marines ont mis fin à leurs jours en Irak. La «Navy» enquête sur un cas probable, et par ailleurs une douzaine d'autres américains morts pourraient être des cas de suicide», rapporte le quotidien le plus lu des Etats-Unis. La plupart des suicides ont eu lieu après le premier mai, c'est-à-dire après la proclamation officielle de la fin des opérations militaires majeures.. Le Pentagone a déjà renvoyé d'Irak 478 soldats pour des raisons de santé mentale. «USA Today» relate les funérailles troublantes d'un soldat américain, dans sa ville natale. Ce soldat, la seule victime de la guerre d'Irak originaire du coin, s'est suicidé. Il avait mis fin à ses jours devant ses camarades, juste après avoir téléphoné aux Etats-Unis. Le taux de suicides des soldats en Irak apparaît supérieur à la normale, et l'équipe de santé mentale déployée sur place a déjà examiné près d'un millier de soldats. «Je m'attendais à rentrer chez moi le mois prochain. Mais je ne le peux pas», confie Navarro dans les pages du «Washington Post». Le sergent chef Angel Navarro, 23 ans, est en charge du poste de police à l'ouest de Bagdad. Il a tout de même le temps de réfléchir sur sa situation. Souvent, il est nostalgique de son Connecticut natal. Ses deux filles et sa fiancée lui manquent énormément et il a hâte de reprendre ses études. Navarro aurait déjà dû rentrer au pays. Mais «tous les réservistes ont vu la durée de leur service se rallonger d'un an. Avec un peu de chance, le sergent pourra quitter l'Irak en avril 2004», rapporte le «Washington Post» qui précise que tant que les Etats-Unis auront à supporter le «fardeau de l'occupation», les quelque20 000 réservistes stationnés en Irak devront «oublier qu'ils sont engagés comme soldats à temps partiel». Organisée à Madrid en récompense au soutien apporté par Aznar à Bush dans ce conflit, la conférence des donateurs pour la reconstruction de l'Irak s'est terminé dans la défiance. La Banque mondiale et l'ONU ont estimé à 56 milliards de dollars la somme nécessaire pour reconstruire ce pays d'ici 2007. Les participants ont estimé que cet objectif est irréalisable pour l'instant, étant donné l'insécurité qui prévaut sur le terrain.. C'est pourquoi, on est loin du compte. Conscients que les objectifs financiers n'ont pas été atteints, les organisateurs ont révisé leurs ambitions à la baisse. Ils qualifient désormais les résultats de la conférence de Madrid de «début d'un processus». Certaines positions restent tranchées : «pas question de verser un seul dollar» tant que certaines conditions ne seront pas réunies», disent-elles en précisant qu'il s'agit d'abord d' «instaurer un climat de sécurité dans le pays, de rendre le pouvoir à un État irakien souverain et de s'assurer que l'argent de l'aide internationale soit entre de bonnes mains». En attendant, la résistance gagne chaque jour en ampleur. Après la guerre, la guérilla. L'insécurité persiste et le nombre de morts parmi les soldats de la coalition ne cesse de s'alourdir, dépassant pour les seuls Américains le chiffre de 120. Outre les violences sporadique, l'Irak vit au rythme des émeutes. Les forces de l'oncle Sam s'enlisent. Une situation de blocage surmontée de violence. L'Administration Bush redoute maintenant un embourbement sur plusieurs années. La crainte d'un deuxième Vietnam. En tout cas le syndrome est bien là. Ce n'est pas Colin Powell, le secrétaire d'Etat qui va nous contredire, lui qui vient de dire sa crainte d'une guerre de longue haleine.