Le Bureau politique de l'USFP estime que «rien ne justifie la mise à l'écart de la méthodologie démocratique» qui tienne compte des résultats du scrutin populaire. Les consultations entre partis politiques vont bon train. La question est de savoir sur quels critères sera constitué le nouveau gouvernement et avec quelle majorité il gouvernera. Mercredi 9 octobre. Une journée ordinaire où seule la pluie est venue s'interposer pour chambouler les habitudes vestimentaires des citoyens. Autrement tout, était calme, même si l'effervescence de l'après-élections a plongé la classe politique dans des calculs insensés et des alliances étranges qui ont retenu le souffle des citoyens. Cependant, personne ne faisait de ce mercredi une date butoir pour que l'équation de la constitution d'une majorité parlementaire soit résolue. Il est vrai que le Conseil des ministres présidé par S.M. le Roi était très attendu, mais tout le monde estimait que le temps était encore à la concertation. À tel point que la plupart des chefs des partis politiques, arrivés en tête des élections, étaient absorbés encore par les tractations qu'ils ont engagées dès l'annonce des résultats des Législatives. Le Parti de l'Istiqlal, qui a engagé une course contre la montre pour s'assurer une majorité parlementaire, a publié le même jour un communiqué de concertation avec le PJD, le MP et le MNP. C'est dire combien nos hommes politiques ignoraient tout de qui allait se produire après le conseil des ministres tenu à Marrakech. Voire ils ignoraient tout de ce qui sera advenu du processus électoral, de l'alternance et des élections. Par contre, un dirigeant d'un parti politique de droite, qui a participé à plusieurs gouvernements, a trouvé le temps de s'ennuyer seul dans sa maison au cours de cet après-midi. Il n'avait aucun programme, ni une réunion du Bureau politique, ni une réunion restreinte des dirigeants du parti, ni des rencontres programmées avec d'autres formations politiques. Étrange destin d'un leader politique qui, le jour de la nomination d'un Premier ministre, n'a pas reçu le moindre coup de téléphone qui puisse lui donner une vision de ce qui se passe dans la sphère politique. Un autre responsable de parti ayant eu, lui aussi, des strapontins dans les gouvernements précédents, était pratiquement déconnecté de la réalité politique par des obligations familiales. C'est dire que personne ne s'attendait à ce que la nouvelle de la nomination d'un nouveau Premier ministre ne tombe en milieu de journée. Mais quand l'agence de la MAP et surtout les deux chaînes de télévision ont donné l'information de la nomination de Driss Jettou comme Premier ministre, la surprise était totale chez tout le monde. Doublement surpris, les acteurs politiques comme le commun des citoyens se sont accrochés à leurs postes de télévision pour décortiquer la teneur du communiqué du palais royal. Le porte-parole du palais royal, Hassan Aourid, lisait ce communiqué comme à son habitude. Il était peut-être la seule personne qui n'affichait aucun trait de surprise sur son visage en débitant les mots avec un jet lent et soigné comme à l'accoutumée. Par contre, de l'autre coté de l'écran de télévision, les téléspectateurs restaient dubitatifs et se posaient moult interrogations. Les hommes politiques qu'on a pu avoir au téléphone juste après la diffusion de cette information n'ont même pas cherché à cacher leur surprise et leur étonnement. C'est normal puisque toutes les spéculations et toutes les concertations entamées depuis dix jours versaient vers la nomination d'un Premier ministre provenant d'une majorité parlementaire. Dans la rue, les discussions allaient bon train tout au long de la soirée de mercredi. Les avis étaient partagés entre ceux qui ne comprenaient pas qu'un ministre sortant sans appartenance politique soit désigné à la tête de la primature et ceux qui préfèrent l'arrivée d'un technocrate. Les premiers étayent leur argumentaire en doutant de l'utilité d'élections dont l'Etat a tant loué la transparence qui n'accouchent pas d'un Premier ministre du premier parti désigné par les urnes. Certains socialistes irréductibles vont même jusqu'à parler de la falsification des résultats des urnes juste devant les marches du Parlement. Les partisans du Premier ministre technocrate évoquent les bilans désastreux de tous les partis politiques qui se sont succédé à la tête du gouvernement depuis l'indépendance. La personnalité de Driss Jettou est souvent mise en exergue par les partisans d'un Premier ministre non partisan. Ils évoquent son sérieux, son honnêteté et son rôle à donner au ministère de l'Intérieur un visage plus humain, des atouts qui font l'unanimité autour de lui. Même son de cloches au sein des rédactions de la presse écrite où la plupart des journalistes ont été pris de court par la nomination de Driss Jettou. Ce qui est étonnant, c'est que la majorité des confrères que nous avons contactés s'inquiétaient beaucoup plus de l'effet de cette nomination sur l'image du pays à l'extérieur que de ses effets à l'intérieur du pays et au sein de la classe politique. D'autres affirment avec la conviction de ceux qui croient au texte juridique que la Constitution ne spécifie aucunement que le Premier ministre nommé provienne d'un parti politique. L'article 24 de la Constitution est clair sur ce sujet, sauf, répliquent les partisans, que partout dans les démocraties les plus ancrées, l'usage veut que le Premier ministre sorte d'une formation politique détenant le plus grand nombre des sièges. La surprise était tellement grande, au point que nos confrères de « Al Ittihad Ichtiraki" n'ont pas essayé de commenter l'information qui est tombée vers 16 heures. L'heure du bouclage étant encore loin. La subtilité de la formule consacrée « l'information est tombée au moment où nous mettions sous presse », dans un petit encadré de la Une de notre confrère socialiste, est trop significative. L'état d'esprit des socialistes sera clairement explicité dans le communiqué du Bureau politique qu'ils ont publié pour afficher leur position sur la non nomination d'un Premier ministre provenant du premier parti marocain. La surprise s'arrête là où la prise de position commence.