Comme prévu lors de la réunion de la CEDEAO, dimanche, des délégués du Nigeria, du Togo et du Ghana sont arrivés lundi à Abidjan avec pour difficile mission l'instauration d'un dialogue entre le gouvernement et les mutins. Lundi, la mission diplomatique envoyée en Côte d'Ivoire par les Etats membres de la communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest a déjà rempli une partie de son contrat. Les ministres de la défense et les chefs de la diplomatie nigérians, togolais et ghanéens se sont entretenus dans la soirée avec le président ivoirien Laurent Gbagbo. Accompagnés de leurs chefs d'état-major respectifs, les médiateurs envisageaient dès mardi de rencontrer les mutins regroupés dans le centre et le nord du pays. Car, conformément à ses prérogatives décidées à Accra, cette délégation a pour objectif de renouer le contact entre les deux parties et de les amener à la table des négociations. «Nous sommes prêts à nous rendre n'importe où dans notre quête de la paix. Nous irons là où les rebelles veulent que nous allions», a ainsi déclaré Mohamed ibn Chambas, secrétaire exécutif de la CEDEAO. Des contacts avec les rebelles semblaient d'ailleurs déjà avoir reçu des garanties de sécurité s'ils acceptaient de participer à des pourparlers à Abidjan. Le porte-parole de l'armée a lui-même annoncé lundi qu'aucune opération militaire – « imminente » depuis plusieurs jours - n'avait été lancée par les autorités. Cette « pause » pourrait signifier que Yamoussoukro souhaite laisser une chance à ces efforts de médiation. Les mutins, dont l'un des principaux porte-parole est l'ex-lieutenant exilé Tuo Fozié, semblaient eux aussi ouverts au dialogue, chose qu'ils avaient proposée dès les premiers jours du soulèvement, le 19 septembre. Ayant démenti toute implication d'un Etat étranger dans leur rebellion, les mutins continuaient par ailleurs leur progression dans toute la zone située au nord de Bouaké, officiellement déclarée «zone de guerre», tout comme Korhogo, près de la frontière burkinabé. Cette «espèce de rébellion sans visage», comme qualifiée lundi par l'ambassadeur ivoirien aux Nations unies, Djessan Philippe Djangone-Bi, est cependant équipée d'armes sophistiquées que l'armée loyaliste dit ne jamais avoir possédé. Le président burkinabé Blaise Compaoré, soupçonné d'être à l'origine de la tentative de putsch, a lui-même dressé avec son homologue libérien, Charles Taylor, une liste de mercenaires de divers nationalités, qui auraient récemment quitté leurs pays respectifs pour participer à la mutinerie. Cette liste a été remise lundi au président ivoirien. «Au départ, on nous a dit qu'il s'agissait de soldats mécontents de leur prochaine démobilisation (...). Mais maintenant, ces soldats sont revenus dans le giron gouvernemental, et ceux qui restent sont un groupe de mercenaires et de déstabilisateurs qui veulent renverser le gouvernement», a pour sa part expliqué le diplomate ivoirien. De leurs côtés, les contingents français, qui ont terminé leurs opérations d'évacuation des ressortissants étrangers dans les villes aux mains des mutins, se sont rendus mardi dans l'ouest du pays où se trouvent de nombreuses plantations de cacao et de café. Leur objectif est de sécuriser les Occidentaux qui y sont mais aussi de tenter d'épargner cette région restée jusque-là à l'écart du conflit. La France a même décidé d'installer un « état-major tactique » dans le pays, chargé de coordonner son action militaire avec celle du gouvernement ivoirien. La CEDEAO avait, elle, prévenu qu'en cas d'échec de la médiation, elle n'excluait pas l'envoi de ses forces militaires, l'ECOMOG.