Le dernier service que pouvait rendre Driss Basri à ce noble et vieux pays, en transition vers la démocratie, était de couler une retraite paisible et sereine dans la reconnaissance des siens et de sa patrie. La multiplication des sorties médiatiques de Driss Basri commence à produire du sens. L'ex-commis de l'Etat – la femme de ménage de l'ancien régime comme il s'est lui-même lucidement décrit – revêt désormais les habits neufs d'un opposant en exil. Une auto-serfatisation qui n'a ni l'honnêteté intellectuelle, ni la profondeur politique ni la sincérité indiscutable et chèrement payée d'un homme d'honneur et de conviction comme Abraham Serfaty. Non, Driss Basri ne se bat pas pour des idées. Il milite, nous semble-t-il, uniquement, pour retrouver un rang et une fortune dont il aurait été spolié après son limogeage par le Chef de l'Etat en 1999. Un rang inespéré et une fortune, patiemment et laborieusement, amassée en 30 années de bons et loyaux services, probablement des années d'or pour lui. Cela est à la fois surprenant et dramatique. Surprenant car on ignorait que le boulot, respectable au demeurant, de femme de ménage était aussi rémunérateur. Et dramatique car si on ne règle pas Driss Basri sous huitaine - nous ne savons même pas combien nous lui devons - nous risquons de perdre le Sahara marocain. Le vrai problème est, bel et bien, là . Driss Basri a choisi, pour accélérer le recouvrement, de frapper là où ça fait mal. Il a choisi le Sahara, occidental comme il dit désormais, comme cheval de bataille quitte à s'aligner sur les positions antimarocaines les plus haineuses de nos adversaires les plus malintentionnés. Driss Basri en habit d'agent de recouvrement, dans le désarroi, passe encore, mais porter, comme il le fait actuellement, les oripeaux d'un agent algérien c'est un grand pas qui est franchi. A défaut de se Serfatyser brillamment, il s'est lamentablement Glaouisé, et encore. (A ce sujet, il faut absolument lire l'excellent, l'émouvant et le digne ouvrage de Abdessadek El Glaoui sur son père El Haj Thami El Mezouari El Glaoui, «Le ralliement, le Glaoui mon père» aux Editions Marsam, 60 dirhams soit 6,6 euros). Mais Driss Basri n'est, heureusement ou malheureusement pour lui, ni El Glaoui, ni Oufkir, ni même Dlimi. Quand les autres ont agi, dans l'action et à contre courant de notre Histoire, en assumant leurs responsabilités, comme des hommes du Makhzen légitimés sur plusieurs générations, comme des officiers, félons, mais supérieurs ou comme des hommes d'armes certes putschistes mais conséquents avec eux-mêmes, Driss Basri agit, lui, comme un médiocre agent des renseignements généraux. Les autres avaient un projet, certes, néfaste et condamnable pour le pays, lui, il a un projet pour lui-même. Les autres voulaient mettre leurs idées au service d'une cause, réelle mais manifestement perdue, lui, il veut monnayer ce qu'il sait du côté d'Alger ou de Tindouf. Mais, que sait-il au juste ? Il ne sait rien dont il n'a été l'exécutant zélé. Il ne sait rien dont il n'a été opérationnellement responsable. Il ne sait rien dont il ne puisse être personnellement et juridiquement comptable. Et, finalement, il ne sait rien qu'il puisse imputer à SM le Roi Mohammed VI, à moins qu'il ne veuille délibérément et scandaleusement salir la mémoire de celui qu'il a «servi», avec loyauté dit-il, pendant trois décennies. Comme si les chemins de la loyauté, selon Driss Basri, passaient, aujourd'hui, par la forfaiture, voire la trahison. Le dernier service que pouvait rendre Driss Basri à ce noble et vieux pays, en transition vers la démocratie, était de couler une retraite paisible et sereine dans la reconnaissance des siens et de sa patrie. Il nous aurait aidés à créer une belle tradition, dont notre Histoire, et celles d'autres pays semblables au nôtre, n'ont presque aucune mémoire ou aucun précédent, c'est-à-dire voir des ex-commis de l'Etat de son profil et de son calibre finir paisiblement leurs jours sans que leur destin, qu'à Dieu ne plaise, ne soit tragiquement contrarié. Les exemples scabreux foisonnent de par le vaste monde y compris, immédiatement, chez nos voisins de l'Est. Le Maroc et sa démocratie ont déjà réussi à créer cette nécessaire et vertueuse tradition, et, avec Driss Basri, quel que soit le prix politique à payer pour ses divagations. Il vivra longtemps, si Dieu lui prête longue vie, mais tout ce qu'on lui souhaite, c'est que l'indignité ne vienne pas assombrir – si ce n'est déjà fait - ses vieux jours.