Alors que la loi exige qu'un haut responsable respecte, même après sa mise à la retraite, le devoir de réserve, l'ex-ministre de l'Intérieur multiplie par dépit les sorties médiatiques où il rend publiques des informations qui relèvent du secret d'Etat. Les sorties médiatiques de l'ex-ministre de l'Intérieur, Driss Basri, qui se sont multipliées ces derniers mois ont déjà fait couler beaucoup d'encre. Plus qu'elles ne méritent, estiment la plupart des dirigeants politiques nationaux qui considèrent que les déclarations de l'ex-vizir ne doivent pas faire l'objet d'un débat. Certains expliquent cette position par le fait que M. Basri est un individu qui a trahi son pays et que, par ses déclarations, il se place en dehors de l'unanimité nationale. C'est le cas, par exemple, du secrétaire général de l'Union Constitutionnelle, Mohamed Abied. Selon lui, « Driss Basri s'est exclu du Maroc et de la nationalité marocaine. Ses propos sont hostiles à la nation entière ». D'autres estiment qu'il ne faut accorder aucune importance aux propos tenus par des gens qui s'auto-exilent pour attaquer leur pays. Le président du Rassemblement national des indépendants, Ahmed Osman, est l'un des défenseurs de cette position. « Personnellement, je n'accorde aucune importance aux déclarations de certains anciens responsables marocains qui se trouvent en dehors de leur pays », a-t-il déclaré récemment. Toutefois, ces positions, qui se rejoignent dans la défense de la thèse de la réponse par le mépris, n'empêchent pas l'existence d'un problème de fond à savoir que, par ses agissements, Driss Basri a créé un antécédent grave dans l'histoire politique du Maroc. En effet, il s'agit du premier ex-haut responsable marocain qui se permet volontairement et sans aucune raison apparente de se libérer de l'un des principes de base d'un ex-commis de l'Etat qui est le devoir de réserve. Car, en multipliant les déclarations à la presse dans lesquelles il affiche une position qui va à l'encontre de celle unanimement adoptée par toutes les composantes de son pays et en révélant des informations secrètes sur le dossier du Sahara marocain, l'ex-ministre viole à la fois la loi et les règles coutumières universellement reconnues dans le domaine de la fonction publique. Faut-il rappeler que, conformément à la loi, il est interdit au fonctionnaire de révéler les faits dont il a obtenu connaissance en raison de ses fonctions et qui auraient un caractère secret de par leur nature ou de par les prescriptions des supérieurs hiérarchiques et que cette règle s'applique également au fonctionnaire qui a cessé ses fonctions. Comment peut-on donc qualifier certaines déclarations de Basri à la presse étrangère sinon d'une violation du devoir de réserve ? Une infraction grave que le code pénal réprime avec les peines les plus sévères étant donné qu'elles relèvent, dans le cas de l'ex-ministre de l'Intérieur, de la haute trahison. Ainsi, quand il révèle au quotidien espagnol La Razon dans l'entretien qu'il lui a accordé, le 7 novembre dernier, que feu SM le Roi Hassan II aurait préparé, quelques mois avant sa disparition, un plan de règlement pour la question du Sahara basé sur l'autodétermination, ne viole-t-il pas un secret qu'il est déontologiquement et juridiquement tenu de préserver ? Dans un entretien avec le quotidien algérien El Watan, l'ex-ministre pousse sa forfaiture encore plus loin en affirmant que, pour lui, le problème du Sahara est un problème de décolonisation et qu'il n'est nullement provoqué par l'Algérie. «Quant à la volonté de Rabat de vouloir faire accréditer la thèse d'un conflit entre l'Algérie et le Maroc plutôt que d'admettre que c'est un problème de décolonisation, j'estime personnellement que dire que le problème du Sahara Occidental est un problème de décolonisation, c'est encore du jésuitisme puisque les résolutions onusiennes, dont la dernière en date, parlent ultimement de l'organisation d'un référendum d'autodétermination », affirme-t-il au quotidien algérois. Mais, les déclarations de M. Basri à la presse étrangère ne se limiteront pas à la question du Sahara. Dans l'interview qu'il a accordé au journal madrilène La Razon, les partis politiques nationaux dont l'USFP et son leader, Mohamed El Yazghi, ainsi que certains membres du gouvernement ont fait l'objet de diffamation et de calomnie qui ne sont aucunement dignes d'un ex-haut responsable qui prétend avoir servi "loyalement" son pays. D'ailleurs, s'agissant du comportement de l'ex-ministre, il faut signaler que les juristes estiment que, le devoir de réserve s'étend même à la conduite de la personne en charge – ou ayant été en charge – d'une responsabilité au sein de l'appareil de l'Etat. La loi stipule que le fonctionnaire doit, dans l'exercice comme en dehors de l'exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ses fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public. Les juristes ajoutent que le fonctionnaire, même après avoir quitté ses fonctions, est tenu de se comporter avec dignité et civilité. Or, l'ex-ministre de l'Intérieur, ne fait preuve d'aucune dignité. Ses sorties médiatiques tant dans la forme que dans le fond ne sont pas dignes d'un homme qui a assumé une haute responsabilité dans son pays. Pour une personne qui a été, pendant plus de trois décennies, investie d'une responsabilité aussi importante que la direction du ministère de l'Intérieur, s'exhiber de cette manière ridicule sur les colonnes de la presse étrangère hostile à son pays est une attitude qui n'est pas digne de ce qu'il prétend être : un homme d'Etat. D'ailleurs, comment peut-il prétendre à ce titre – que seule l'Histoire est habilitée à attribuer – alors qu'il s'attaque à son pays, à la cause sacrée de sa patrie et aux institutions de l'Etat qu'il a servi ? Aussi, entre ce qu'il prétend être et ce qu'il est devenu, l'Histoire ne retiendra de Basri que l'image qu'il donne aujourd'hui, celle d'un homme qui a trahi la confiance de son pays.