L'heure de vérité a sonné pour les deux candidats à la Maison-Blanche. Les Américains élisent, aujourd'hui, celui qui fera la pluie et le beau temps sur la planète pour les quatre prochaines années. L'hostilité mutuelle qui a caractérisé les derniers jours de la campagne électorale américaine a fini par s'éteindre. Kerry et Bush se sont résolus à ranger dans le placard leurs invectives. À vrai dire, ils ne se sont pas résolus à cesser les hostilités verbales, mais le jour « J » est là. Les Américains vont aux urnes aujourd'hui. L'enjeu de cet acte, celui de voter pour l'un des candidats, ainsi que les conséquences inhérentes vont au-delà de la simplicité à l'accomplir. La besogne prend à peine quelques minutes. Ses suites s'étalent, cependant, sur des années et peuvent être derrière des processus irréversibles. À la veille des élections, le coude à coude entre John Kerry et George W. Bush ne lâchait pas du lest. Plus que jamais, les deux prétendants semblaient sur le même pied d'égalité en matière de popularité. Pourtant, cet état de fait ne peut, à lui seul, promettre des résultats reflétant une réalité similaire sur le terrain. Les statistiques ne sauraient dépasser le seuil de simples statistiques. La pêche aux voix est arrivée à terme. Elle aura été fructueuse car cette élection est censée connaître un taux de participation exceptionnel. Rien que pour cette « édition », on recense plus de 6 millions de nouveaux électeurs. Il faut reconnaître que les deux candidats n'ont pas lésiné sur les moyens pour embrigader le maximum de sympathisants. En effet, cette campagne aura eu au moins le méritée d'avoir défrayé la chronique… en matière de chiffres. Elle aura été la campagne la plus chère de l'Histoire en matière de publicité. Une entreprise qui aura duré huit mois et qui a coûté la bagatelle de 600 millions de dollars, en spots commerciaux répartis entre la télévision et la radio. Huit mois durant lesquels le président républicain sortant, George W. Bush, son adversaire démocrate, le sénateur John Kerry, leurs partis respectifs et les groupes de pressions ont dépensé sans compter. La facture de cette méga-campagne publicitaire pour l'élection présidentielle représente, le triple des dépenses consacrées à la précédente campagne présidentielle de 2000. Pour les stratèges des deux camps, cette escalade de dépenses puise sa légitimité dans la réforme de la loi de finances des campagnes, faites en 2002. La loi en question prohibait aux partis politiques de recourir à l'argent des syndicats et des entreprises. Dans le fond, l'Irak et l'économie américaine avaient constitué le dernier terrain d'affrontement entre John Kerry et George W. Bush. Jusqu'à ce qu'un invité-surprise, un certain Oussama Ben Laden, eût décidé de participer, avec ses moyens, à l'élection présidentielle américaine. Du coup, le débat sur la lutte contre le terrorisme reprit le dessus. La course à la Maison-Blanche se calma brièvement, on rangea les couteaux durant un bref moment pour condamner celui qui traite la première puissance de Satan, puis les critiques reprirent de plus belle. Les joutes verbales redeviennent légion et les attaques, devenant acerbes de jour en jour en cette dernière ligne droite, franchissaient chaque jour un pas de plus. Chacun des deux candidats tentait, lors des derniers jours séparant les électeurs des urnes, d'enfoncer le clou et de taper là où ça ferait mal. Mais en définitive, l'actuelle campagne ne risque-t-elle pas de connaître des épisodes de cafouillage comme ce fut le cas lors du duel Al Gore-Bush ? Fort possible. En tout cas, l'on est sûr d'une chose, c'est que l'ensemble des nouveaux électeurs, estimés à plus de 6 millions, pourraient ne pas être en mesure de voter. Selon David Marcelis, correspondant à New York pour lalaibre.be, les exemples ne manquent pas. «Dans l'Ohio , Etat disputé s'il en est, près de 600.000 nouveaux électeurs se sont inscrits pour voter le 2 novembre prochain. Or à quelques semaines de la clôture des inscriptions, le secrétaire d'Etat (républicain) Kenneth Blackwell a indiqué que seuls les formulaires d'inscription imprimés sur du papier cartonné seraient pris en compte… Une telle mesure aurait invalidé plusieurs centaines de milliers de demandes.» David Marcelis cite également le cas de la Floride, « l'un des dix Etats américains à priver tous les anciens criminels du droit de vote – près de 48.000 anciens «criminels présumés» allaient être retirés des listes d'électeurs sur les instructions de la secrétaire d'Etat (républicaine) Glenda Hood, lorsque les médias découvrirent que plusieurs milliers d'entre eux n'avaient rien à se reprocher… Parmi les victimes de cette «méprise», un grand nombre de noirs, qui votent principalement démocrate. Une purge similaire avait caractérisé le scrutin en Floride il y a quatre ans, où l'élection s'était jouée à 537 voix seulement. »