Ce mardi, le gouvernement espagnol devrait formellement demander à la justice l'interdiction du parti radical basque Batasuna. Mesure que l'Exécutif espère voir appliquée d'ici décembre et élargie à la France. Le Tribunal Suprême espagnol devrait recevoir, en principe aujourd'hui, deux demandes similaires l'une du Congrès des députés, et l'autre du gouvernement de José Maria Aznar lui-même. Les deux requêtes s'appuient sur la fameuse loi adoptée en juin dernier et qui vise l'interdiction des formations soutenant le terrorisme. Batasuna, considéré par Madrid comme le bras politique du mouvement séparatiste basque ETA, pourrait donc, au titre de ses liens avec l'organisation (classée dans la liste européenne des formations terroristes), se voir purement et simplement interdit d'ici le mois de décembre. Et ce après que, le 26 août dernier, la justice madrilène ait déjà décidé de suspendre les activités du parti. Si les Espagnols appuient à 75% une telle interdiction, selon un sondage, cette nouvelle loi espagnole permettant de dissoudre une formation politique a été accueillie avec scepticisme dans le reste de l'Europe, certains qualifiant cette mesure d'anti-démocratique et contraire à la liberté d'expression. Par ailleurs, le projet de José Maria Aznar est loin d'être soutenu par la population basque elle-même (32 % y sont favorables selon le même sondage). Cette dernière, qui a largement manifesté sa colère – notamment à San Sebastian – ces derniers jours, craint surtout que cette mesure ne fasse qu'entraîner la recrudescence des attentats, à l'image de celui déjoué dimanche par la police à Bilbao. Les défenseurs du parti basque, qui ont huit jours pour se présenter devant les juges à compter de mardi, ont pour leur part déjà déposé un recours contre la décision du juge Garzon et la fermeture d'une vingtaine de ses sièges. Ce qui n'a pas empêché le magistrat de vouloir expédier, probablement mardi, des demandes formelles en France, en Belgique et au Nicaragua en vue de la fermeture des locaux de Batasuna identifiés par les enquêteurs espagnols dans ces pays. La première exigence de Madrid ira certainement à Paris puisque la France compte, dans sa partie extrême sud-ouest, la deuxième moitié du Pays basque revendiqué par les indépendantistes. Selon le quotidien Le Monde de ce lundi, « la justice espagnole veut obtenir la collaboration de la France pour éviter que le parti indépendantiste basque Batasuna ne parvienne, depuis le Pays basque français ou ailleurs à l'étranger, à contourner la suspension de ses activités ». Localité visée : Bayonne. La sous-préfecture des Pyrénées-Atlantiques compte en effet un local du parti, qui tient surtout de permanence pour le seul député européen de Batasuna, Koldo Gorostiaga. Ce bureau est aussi soupçonné de servir de nouveau « siège » national de Batasuna, privé de son local à Pampelune. Selon Le Monde, la justice espagnole a aussi dans le collimateur «Herri Embaxada (ambassade du peuple)», une délégation située à Bruxelles, et «la Casa Lindavista à Managua (Nicaragua), acquise en 1987, également au nom de Herri Batasuna (ancienne appellation de Batasuna)». Le quotidien précisait aussi que les autorités madrilènes visaient trois sites Internet liés au parti. Un durcissement du gouvernement Aznar motivé par la non-condamnation par Batasuna du dernier attentat d'ETA à Santa Pola le 4 août dernier, «la dernière goutte qui a fait déborder le vase et qui justifie, selon (Madrid), le lancement immédiat de cette procédure d'interdiction».