L'Algérie riposte à «l'offensive» marocaine par deux voix. Celle du ministre des Affaires étrangères qui affirme qu'il n'y aura pas de guerre entre les deux pays et celle d'une source anonyme, citée par l'agence officielle algérienne, qui accuse Rabat de diversion. Alger sort de ses gonds. A l'heure où Abdelaziz Belkhadem, ministre des Affaires étrangères, affirme qu'«il n'y a aucune guerre possible entre pays frères (Algérie, Maroc)», «Alger» riposte «à l'offensive marocaine» par le truchement d'une longue dépêche de l'agence officielle du pays, APS, largement diffusée par la presse algérienne lundi. Le chef de la diplomatie algérienne a démenti, lors d'une conférence de presse organisée lundi, l'interception de 400 soldats marocains à Tindouf. A la question sur d'éventuels incursions de soldats marocains sur le territoire algérien, il a répondu : «Avez-vous déjà vu un ministre des Affaires étrangères répondre à des rumeurs?» En même temps, la dépêche répond, tous azimuts, au mémorandum, adressé par le Maroc au secrétaire général de l'ONU, ainsi qu'aux déclarations d'un responsable marocain. Il est curieux de constater que la «riposte» n'est pas attribuée à un responsable algérien ou à une institution, mais à «Alger». Il s'agit donc d'une position qui engage le gouvernement algérien au plus haut niveau. Il s'agit aussi d'une posture, récurrente dans la politique de communication de nos voisins, friands de pimenter avec un mystère, d'un goût douteux, leurs déclarations en les laissant anonymes. Des fois, l'APS cite une bonne source, d'autres fois une source autorisée, parfois un haut responsable. Cette fois-ci, c'est d'Alger entier qu'il est question. Qu'est-ce qu'on apprend dans la fameuse réponse d'Alger ? Rien que l'on ne pouvait d'avance deviner. Toute la littérature sur l'Algérie comme «faire-valoir au service du fait accompli de l'occupation marocaine au Sahara occidental», son «rôle de souffre-douleur du Makhzen en délire», «l'alibi», invoquée par les dirigeants marocains pour maquiller leurs supposés «errements» dans la gestion du dossier «au peuple marocain» a été encore une fois déterrée. Alger fustige d'un côté les dirigeants du pays, et caresse dans le sens du poil le peuple marocain. Comme si le peuple avait une position sur le Sahara distincte de celle de son gouvernement. Comme s'il y avait d'un côté un tiède attachement du peuple à son territoire, et de l'autre une brûlante surenchère d'une poignée de responsables pour lui imposer un sujet qui l'intéresserait très moyennement. Avec des arguments de ce genre, Alger se bande les yeux pour fuir la lumière. Dans le même ordre d'idées, Alger qualifie de «véritable hystérie» ce qu'elle considère comme une campagne marocaine. Elle se justifie contre les propos d'Ahmed Lahlimi, haut commissaire au plan, qui avait accusé le gouvernement algérien de complicité avec le général Oufkir dans les putsch ratés de 1971 et 1972. Et pour convaincre de la bonne foi de l'Algérie, Alger cite les «trois piliers» de son président Abdelaziz Bouteflika «sur l'affaire du Sahara ». Avec trois piliers, M. Bouteflika devrait pourtant savoir qu'il porte sur ses épaules une construction boiteuse, qui menace à tout moment de s'effondrer. En fait, l'image des trois piliers est défectueuse, de même que l'argumentaire qu'elle est censée soutenir. Néanmoins, il n'est pas sans intérêt de connaître les trois credo bouteflikiens. Le premier se rapporte au soutien des peuples à l'autodétermination. Le deuxième pilier mérite qu'on le transforme en obélisque : «les deux parties au conflit du Sahara occidental sont exclusivement le Royaume du Maroc et le front Polisario». Mais qui cherche-t-on à tromper ici? Durant son voyage en Afrique du Sud et au Nigeria, le président algérien a placé le Sahara en tête des préoccupations de son pays. Il a donné des déclarations à la presse à ce sujet. Mieux : les agences de presse internationales n'ont retenu de son voyage que ses déclarations relatives au Sahara. Est-ce ainsi qu'un gouvernement défend une «position de principe» ? Ou bien l'Algérie recrée le sens d'une position de principe, ou bien elle défie le bon-sens de la communauté internationale. Le troisième pilier rejoint la déclaration du chef de la diplomatie algérienne : «l'affaire du Sahara occidental n'est pas et ne sera pas un casus belli entre l'Algérie et le Maroc». C'est tant mieux pour les peuples du Maroc et de l'Algérie. Mais pour davantage de confort de ces peuples, Alger ne devrait-elle pas considérer sa position comme une vraie position de principe ? Il n'y aurait alors plus d'affaire du Sahara.