L'article relatif à la religion dans le projet de loi sur les partis politiques déchaîne les passions. Avant même que le projet ne voie le jour, certains partis haussent le ton pour proclamer leur attachement au référentiel islamique. Le projet de loi, tant attendu, sur l'organisation des partis politiques comporte un article qui sera ardemment débattu. Personne n'a encore vu ce projet de loi, mais les appréhensions s'expriment en référence à l'article 7 interdisant la création d'un parti politique fondé sur la religion, la race ou la région. La religion importe plus à certains partis que les autres interdits. C'est le cas du PJD qui a abondamment commenté ce sujet, lors du meeting organisé dimanche à Salé. Abdelillah Benkirane, membre du bureau politique du PJD, avait lancé à une foule exaltée : «ils veulent soit nous dévier de notre voie, soit nous pousser dans l'illégalité». D'autres militants avaient carrément appelé à l'abandon de l'exercice politique, en cas de la mise en place d'une loi interdisant aux partis de se réclamer de l'islam. Le hic, c'est que le PJD va un peu vite en besogne. Puisque seule une mouture de ce projet de loi, datant de juin 2000, circule. Mais le texte définitif ne saurait tarder à voir le jour, eu égard à la recommandation du Souverain qui a appelé, dans le dernier discours du Trône, à «l'élaboration d'une loi sur les partis politiques». D'après une source proche du dossier, le projet n'a même pas encore été déposé au secrétariat général du gouvernement. Ce qui rend très peu probable sa discussion au Parlement au mois d'octobre, comme cela a été annoncé. Mais la couleur non religieuse de l'article 7 du projet de loi est déjà discutée par des chefs de partis politiques. Saâd Eddine Al Othmani, secrétaire général du PJD, indique que dans aucun pays au monde, on ne sépare la religion de la politique et donne l'exemple de nombreux partis européens chrétiens démocrates. Néanmoins, «le PJD n'est ni un parti islamique, ni un parti islamiste», précise M. Al Othmani. Il ajoute que le PJD ne renoncerait pas à la politique, même si cette loi venait à voir le jour. Même si on interdit aux partis politiques la référence à l'islam ? «On ne peut pas supprimer la référence à la religion sans être en opposition avec la Constitution. “Le Royaume du Maroc est un Etat musulman“, telle est la première phrase de la Constitution», répond M. Al Othmani. Au nom de la Constitution, Abbas El Fassi, secrétaire général du Parti de l'Istiqlal, indique «son éventuelle disposition» à être d'accord avec l'article polémique du projet de loi sur les partis politiques. «La Constitution précise que le Maroc est un Etat musulman de rite malékite. Cette religion est un patrimoine commun à tous les Marocains. Par conséquent, personne ne peut créer un parti fondé sur un patrimoine dont il ne dispose pas en exclusivité». C'est clair et net. Et cette position peut même surprendre de la part d'un parti dit conservateur. Elle est partagée par le RNI. Son président, Ahmed Osman, explique que son parti a toujours été ouvert à d'autres religions. «Ca ne nous dérange pas de ne pas faire référence à l'islam, et nous nous opposons à l'utilisation de la religion pour des fins politiques», dit-il. Cette même préoccupation de ne pas instrumentaliser le religieux à des fins politiques est partagée par Mohand Laensar, secrétaire général du Mouvement populaire. Mais il rejoint toutefois Saâd Eddine Al Othmani en qualifiant d'anti-constitutionnelle la non-référence par les partis politiques à l'islam. «Tout dépend de la formulation de l'article», conclut avec prudence M. Laenser. Le débat qui précède l'avènement du projet de loi pourrait être déterminant des termes dont sera rédigé cet article. Puisse-t-il établir une frontière infranchissable entre la chose cultuelle et la chose politique.