Tout se passe comme si le gouvernement Aznar s'était accroché exprès à l'affaire de l'îlot Leïla pour en faire un enjeu important de sa politique intérieure. Ce qui lui permettrait de justifier ainsi tous les ratages antérieurs de sa politique envers le Maroc. La crise de l'îlot Leïla continue. Les explications du Maroc, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Mohamed Benaïssa, lundi 15 juillet, n'ont pas apparemment satisfait l'Espagne. L'ambassadeur de Madrid en poste à Rabat a déclaré aux journalistes que les arguments fournis par le Maroc ne sont pas «convaincants». «Pour justifier son occupation de l'île Persil, les autorités marocaines ont excipé de la lutte contre l'émigration clandestine, le trafic de drogue sans aucune référence à la lutte contre le terrorisme». Signalons que le Maroc a changé les gendarmes en place sur l'îlot par des éléments de la marine royale. De son côté, José Maria Aznar, à l'occasion de son discours sur l'état de la nation, lundi 15 juillet devant le Cortes, a soulevé le problème en affirmant que «Madrid ne se laissera pas faire et qu'elle n'acceptera pas le fait accompli“. Les menaces aznaristes sont à peine voilées. La guerre des déclarations se poursuit avec la sortie, mardi 16 juillet, du secrétaire d'État à la défense, Fernando Diez Moreno. Selon ce dernier, le gouvernement espagnol entend «épuiser tous les recours diplomatiques» avant de prendre une quelconque décision». Là aussi, le ton est comminatoire. Ce responsable a ajouté que le gouvernement de son pays «maintient une présence militaire renforcée des forces armées» dans les villes occupées de Sebta et Mélilia. En guise de réaction à la déclaration de Mohamed Benaïssa, selon laquelle le Maroc ne retirera pas ses troupes de l'îlot de la discorde, qui a assuré par ailleurs que Rabat est disposé à mettre fin au conflit sur l'îlot rocheux par le dialogue. A en juger par les déclarations aux accents guerriers des officiels espagnols, le dialogue maroco-espagnol, comme moyen de sortie de la crise, n'intéresse pas le gouvernement Aznar. Madrid a préféré dès le début s'en remettre à l'Union Européenne. Celle-ci continue à réitérer son soutien à l'Espagne sans même écouter les arguments de la partie marocaine. Quid du dialogue euro-méditerranéen ? Chris Pattern, porte-parole du commissaire européen aux relations extérieures, a jugé qu'il est maintenant du ressort des “diplomates de trouver la solution“, tout en rappelant que “la solidarité de l'Union Européenne avec (l'Espagne) est tout à fait claire“. La commission des Affaires étrangères du Parlement européen et la délégation parlementaire pour les relations avec le Maghreb tiendront, le 23 juillet, une réunion pour examiner la situation de l'îlot Persil. À quoi tiennenttoutes ces gesticulations euro-espagnoles autour d'un îlot qui appartient bel et bien au Maroc? Un îlot, comme l'a affirmé M. Benaïssa, n'est pas concerné par l'accord de statu quo signé entre les deux pays en 1991 et qui concerne seulement les questions de Sebta et Mélilia. L'Espagne parle de violation de satu quo et d'occupation, tandis que le Maroc ne fait qu'exercer sa souveraineté sur l'îlot. Pourquoi le gouvernement Aznar a-t-il dramatisé là où il fallait temporiser ? En fait, tout se passe comme si l'Espagne s'était accrochée à cette affaire pour en faire un enjeu de sa politique intérieure. Un haut responsable de la diplomatie marocaine explique: «Il ne faut pas oublier que le Premier ministre espagnol, José Maria Aznar, a essuyé récemment un refus cinglant lors du conseil de l'Europe sur ses propositions de lutte contre l'immigration clandestine. M. Aznar voulait faire voter par ses pairs européens une politique de représailles contre les pays émetteurs de l'émigration clandestine“. M. Aznar cherchait-il, à la faveur de cette affaire de l'îlot, à faire oublier son échec sur le dossier de l'immigration en s'attaquant au Maroc ? Ce qui lui permettrait le cas échéant de justifier, par un simple îlot inhabité, les ratages de sa politique envers son voisin du sud.