ALM : Quel bilan faites-vous de la stratégie logistique ? Younès Tazi : D'importantes étapes ont été franchies dans ce sens. Des investissements conséquents ont été opérés pour la réalisation des premières zones logistiques s'inscrivant dans le réseau national prévu par la stratégie particulièrement à Casablanca où l'investissement public et privé dans les zones logistiques et leurs connexions sur la période 2010-2014 a atteint près de 5 milliards de dirhams pour un équivalent en superficie globale brute de 185 ha. Un travail fondateur au niveau des autres régions a été entrepris pour finaliser un ensemble de schémas régionaux de développement des zones logistiques. Ces schémas dénotent un engagement de l'Etat et des acteurs locaux à promouvoir le secteur logistique au Maroc. Il est utile de rappeler dans ce cadre que plus de 2.700 ha sur les 3.300 ha prévus par le schéma national à l'horizon 2030 ont déjà été identifiés. La mise en place effective de l'Agence marocaine de développement de la logistique en 2013 a constitué un facteur dynamiseur de l'accélération des chantiers de cette stratégie, notamment en matière d'amélioration d'un ensemble de chaînes logistiques, de promotion de services et d'opérateurs intégrés et en matière de formation où d'importantes avancées ont été réalisées. Sur quoi portent les contrats programmes sectoriels identifiés à l'horizon 2020 ? Partant du principe que chaque secteur a une logistique spécifique, l'élaboration de ces contrats d'applications sectoriels a consisté à définir avec l'ensemble des acteurs publics et privés d'une même filière des plans d'actions à même de répondre à l'impératif d'améliorer et de renforcer sa compétitivité logistique. Le but est d'associer l'ensemble des acteurs concernés, de préciser les engagements des parties impliquées et de coordonner leurs interventions sur le terrain. Les filières identifiées concernent les produits agricoles, les hydrocarbures, l'import-export, les matériaux de construction et la distribution interne. Les contrats d'applications pour les trois dernières filières ont été signés en mai 2014 et comportent plus d'une cinquantaine de mesures s'étalant sur la période 2014-2020 et visant, entre autres, l'émergence d'agrégateurs de chaînes logistiques, la facilitation des opérations logistiques import-export et la structuration de la logistique urbaine. Le classement du Maroc dans l'indice de performance logistique s'est-il amélioré ? La dynamique créée par l'implémentation de cette stratégie a certainement contribué à l'amélioration du classement du Maroc selon cet indice qui le place en première position au Maghreb et au 2ème rang au niveau du continent africain. Par ailleurs, l'AMDL a largement actionné le levier de la coopération internationale en faveur de plusieurs chantiers de la stratégie en concluant plusieurs partenariats et accords, notamment en matière d'assistance technique avec plusieurs organisations internationales comme la Banque européenne d'Investissement, la Banque mondiale, la Société financière internationale et l'OCDE. Des initiatives de coopération bilatérale ont également été concrétisées avec les régions de Catalogne en Espagne et de Languedoc-Roussillon en France. Aussi et en plus de la conclusion d'un accord-cadre pour promouvoir la coopération avec la Tunisie dans le domaine logistique, nous nous approchons actuellement de plusieurs pays africains en vue d'instaurer un cadre de partenariat win-win en faveur notamment de la création d'une communauté logistique africaine qui contribuerait à la fluidification des échanges commerciaux entre le Maroc et ces pays. Les efforts de promotion et de coopération ont permis d'ouvrir la voie au Maroc pour être le premier pays non européen à devenir membre à part entière de l'European Logistics Association. L'AMDL débloque 92,61 MDH pour l'exercice 2015. Quels seront les principaux chantiers visés par ce budget ? Une bonne partie du budget de l'AMDL est orientée vers la structuration des projets de développement des zones logistiques dans la mesure où un ensemble d'études de marché et d'avant-projet sont lancés au niveau de plusieurs régions à la fois pour évaluer les besoins en termes d'immobilier logistique mais aussi pour définir les esquisses des composantes des premiers projets. Les premiers résultats de ces études ont confirmé, selon les régions, les possibilités de développer sur cinq ans des parcs logistiques d'une superficie allant de 30 à 60 ha. L'action de l'AMDL en 2015 porte également sur la structuration de la logistique urbaine au Maroc et la mise en place avec les entités concernées des premiers plans d'actions de certaines villes dans ce domaine. Plusieurs mesures dans le cadre des contrats d'applications susmentionnés ont été entamées à l'image de l'élaboration en cours d'un kit de sensibilisation à l'externalisation des activités logistiques au Maroc. Par ailleurs, un appui à l'Observatoire marocain de la compétitivité logistique pour le lancement d'études thématiques et la publication d'indicateurs afférents au secteur est également prévu dans le cadre du budget de l'AMDL. Vous comptez créer prochainement un aménageur public spécialisé dans l'aménagement et le développement des zones logistiques. Quelle serait la mission de cette instance ? Les benchmarks effectués ont montré que la quasi-totalité des zones logistiques dans le monde sont aménagées par des entités à forte «dose» publique devant, dans la majorité des cas, supporter le coût des infrastructures de base de la zone pour que des opérateurs privés puissent par la suite y développer une offre immobilière adéquate. La création de cet aménageur public spécialisé donnerait une impulsion positive au développement du schéma national des zones logistiques. Le rôle de l'AMDL dans ce sens est de mettre à la disposition des partenaires intervenant dans ce projet une expertise notamment en matière d'approfondissement juridico-financier et opérationnel. Cette dynamique logistique est-elle assez assimilée par les professionnels ? Je suis persuadé que les professionnels partagent avec nous la même volonté et le même engouement pour le développement du secteur logistique au Maroc. Plus encore, ils sont engagés comme nous dans la mise en œuvre de la stratégie logistique qui, je le rappelle, a été définie avec et pour les opérateurs et professionnels privés. S'agissant du développement des compétences, de nombreuses initiatives ont été entreprises pour étoffer l'offre de formation. Le nombre de lauréats (tous niveaux confondus) des formations spécifiques au secteur a évolué significativement pour passer de moins de 2.500 personnes formées par an en 2009 à plus de 6.000 en cours de formation en 2014. Pour la période 2014-2020, un plan d'actions comportant 17 mesures pour le développement de la formation et des compétences dans les métiers logistiques a été acté par la conclusion d'un contrat d'application spécifique associant tous les intervenants dans ce domaine. Ces mesures visent le renforcement quantitatif de l'offre de formation pour certains profils, notamment d'opérateurs spécialisés et l'adéquation dynamique entre la demande et l'offre de formation dans le secteur de la logistique.