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Informatique : 73% des logiciels installés au Maroc sont piratés
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 27 - 07 - 2004

Le Maroc figure au palmarès des pays dans lesquels sévit le phénomène du piratage. Ce dernier se présente depuis plusieurs années comme une donnée structurelle qui asphyxie l'économie nationale. Sous la pression des accords de libre- échange signés par le Maroc avec certains pays, les pouvoirs publics tentent depuis quelques mois de contenir le phénomène. Une mission qui s'annonce très difficile.
Le dernier chiffre révélé par la Fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI) laisse songeur : plus d'un milliard de CD pirates ont été vendus dans le monde en 2003. Il ne fait plus de doute, la reproduction illégale des disques a pris une dimension industrielle. Sa croissance reste soutenue : 4% sur un an. En 2003, un album vendu sur trois était une copie pirate, contre un sur cinq en 1999. Enfin, la valeur de ce commerce parallèle a été estimée pour la même année à 4,5 milliards de dollars, soit 13% du chiffre d'affaires global de l'industrie du disque (34 milliards de dollars).
Comme beaucoup de pays, le Maroc n'échappe pas au phénomène qui affecte aussi bien les enregistrements audios et audiovisuels que les logiciels informatiques. Selon les secteurs, le problème se pose différemment. Ainsi, le commerce des VCD piratés n'est plus l'exclusivité des grandes Jouttiyas et autres soucks informels. Dans la plupart des villes marocaines, beaucoup de marchands ambulants se sont reconvertis dans ce commerce, qui devient de plus en plus visible. Et le phénomène échappe également à tout contrôle : le volume des ventes, le chiffre d'affaires et les parts de marchés ne figurent dans aucune statistique.
La facilité avec laquelle on peut aujourd'hui pirater une œuvre qui complique la donne. Grâce à de simples outils technologiques, plus besoin de grandes structures pour fabriquer : un PC et un graveur suffissent. Et c'est rapide : il faut aujourd'hui moins de trois minutes pour graver une heure de musique. Reste que le phénomène suscite au Maroc un débat pour le moins intrigant : d'un côté, les partisans de plus de fermeté à l'égard des pirates et de l'autre, ceux qui soutiennent que le problème ne peut être résolu sous le simple angle judiciaire. Et pour cause.
Aujourd'hui, on estime que pas moins de 20.000 personnes (voire plus, en absence de statistique fiable) vivent directement de ce commerce. La fabrication des VCD mobilise un nombre incalculable d'intervenants. Le dilemme reste posé: le piratage fait vivre certaines couches de la société. Mais il conduit en même temps à la ruine des artistes et des auteurs puisqu'il les prive de leurs droits. Nombreux sont d'ailleurs les observateurs qui estiment que le piratage constitue le principal obstacle devant l'émergence d'une véritable industrie de musique au Maroc. Mais le piratage touche aussi l'industrie de l'édition de logiciels informatique. Là aussi, le constat est déplorable : si le taux de piratage des logiciels évalué à 82% en 1994 avait chuté de 24 points s'affichant à 58% en 2002, celui-ci a repris ses performances pour se situer à 73% cette année. Alors que les artistes sont pratiquement livrés à eux-mêmes, faute d'un organisme fort qui défend leurs intérêts, les industriels de l'informatique se sont longtemps organisés autour de la toute puissante Business Software Alliance (BSA). L'approche adoptée par cette dernière est double : engager les poursuites judiciaires contre les contrevenants, mais aussi tenter d'ouvrir des voies de dialogue avec les entreprises, principales destinataires de ces produits. Rentrent dans le cadre de cette seconde catégorie, les accords à l'amiable. Au lieu de lancer des poursuites en justice aussi longues qu'inefficaces, les deux parties tentent l'arrangement à l'amiable.
Parmi les conditions des accords passés, figure la publication d'un communiqué commun rédigé par les deux parties. Ce document rappelle que la loi existe, qu'elle est appliquée et qu'elle est la même pour toutes les entreprises, petites ou grandes. Le texte donne également la parole à l'ex-contrevenant qui témoigne et fait valoir les avantages de sa mise en conformité. Si l'impact de cette approche reste incertain, elle a le mérite d'être plus en phase avec la réalité du terrain. Car le caractère problématique de la question du piratage se manifeste surtout dans l'attitude ambiguë de l'Etat. Historiquement, le laxisme des autorités en la matière a longtemps contribué au pourrissement de la situation. Aujourd'hui, on cherche à rectifier le tir, tant bien que mal. Au menu : des circulaires, des décrets, des commissions et un discours nouveau. Dans ce registre, figure un projet de décret relatif à la création d'une commission nationale permanente interministérielle. Une commission censée mettre en place une stratégie nationale de lutte contre la contrefaçon et le piratage. C'est-à-dire qu'elle devra définir des mécanismes de lutte et assurer au passage le suivi et le contrôle du marché et recenser les cas de piratage. Il y a eu également la circulaire du ministère de l'Intérieur adressée le 20 août 2003, aux walis et gouverneurs, et une autre, celle du ministère de la Justice envoyée le 31 mars dernier, aux procureurs généraux et procureurs du Roi.
Dans cette dernière, le ministre avait déploré l'absence de fermeté (chez ses subordonnés) dans la lutte contre le piratage des enregistrements et de l'exécution des jugements rendus à ce sujet…Mais le plus ennuyant, c'est que la démarche officielle récemment adoptée obéit plus à des considérations externes qu'un vrai souci de régulation interne. Les accords de libre-échange, notamment l'ALE avec les Américains expliquent en grande partie le nouveau sursaut des autorités. Le timing des différentes actions gouvernementales laisse penser que la lutte contre le piratage s'impose aujourd'hui comme un impératif dicté de l'extérieur. Ira-t-on jusqu'au bout pour éradiquer le fléau ?


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